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Alépé : 4 vendeurs illégaux de la forêt classée de Yaya écroués… Un réseau très organisé-Des peines trop légères ?

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Backside view of African worker cutting tree in half with small chainsaw. Accession #: 0.89.200.007.14

Alépé : 4 vendeurs illégaux de la forêt classée de Yaya écroués… Un réseau très organisé-Des peines trop légères ?

Des membres d’un réseau ont été arrêtés lors d’une opération du service contrôle forestier de la Sodefor (Société de développement des forêts de Côte d’Ivoire) en décembre dernier.
« Nous avions eu l’information depuis le début de l’année qu’un groupe d’individus étrangers vendait des parcelles de la forêt classée de Yaya, située près d’Alépé. Nos agents de terrain ont fait un travail en amont mais on se disait que c’était une goutte d’eau dans la mer », narre le lieutenant Landry Mahi, chef du service, sorte de police des polices de la Sodefor.
L’opération toile d’araignée est alors lancée en décembre dernier dirigée par le Sergent-chef Yao N’dri Marc Wilson. Elle consiste à se mettre en contact avec le réseau pour prouver l’infraction. « Nous nous sommes faits passer pour des acheteurs de forêts », décrit le Lieutenant. Après négociation, on leur propose 10 ha à 175 000 francs soit 75 000 francs l’hectare.
Le coup de filet final a eu lieu lors de la signature de la transaction à Alépé, le 13 décembre 2018. Zeba Bation, le chef du groupe qui se fait appeler « Tout-petit », et ses trois complices, Raymond Zouman, Diomandé Amara et Abou Koné, tous de nationalité burkinabè, sont appréhendés
Lors de l’opération, les agents de la Sodefor ont mis la main sur 38 ha défrichés mais à en croire les cahiers saisis sur lesquels figurent le nom de nombreux acheteurs, la superficie pourrait être bien plus grande.
« Ils ont bien compris les rythmes de notre surveillance. En général, ils vont sur le terrain à partir d’1 h ou deux heures du matin, ils nettoient le terrain, plantent, repartent vers 3 h et ne reviennent que 3 ou 4 mois plus tard. Les jeunes plants sont alors déjà en place ».

Un réseau très organisé
Il est alors difficile de repérer les parcelles qui sont confondues par la densité de la forêt alentour. « Ils cachent également les fèves pour semer dans des sacs de riz ou encore dans des bidons d’huile » détaille Landry Mahi.
Les agents ont réussi à mettre la main sur les parcelles avant la récolte, selon le lieutenant de la Sodefor : « Certains terrains étaient plantés depuis un ou deux ans mais ils n’ont pas pu en profiter. C’est notre politique : « Vous allez planter mais vous n’allez pas manger » ».
L’un des principaux enseignements de l’opération, c’est également l’organisation particulièrement structurée du réseau. Le service contrôle forestier a mis la main sur des cahiers où sont consignés les noms des planteurs illégaux, leur zone et leurs acquittements de certaines taxes.
« On a vu des carnets de tickets de 30 000 francs par exemple. Une somme censée garantir leur sécurité ou des sommes de 10 000 francs pour pouvoir venir travailler le samedi. Tout cela permet de maintenir le réseau des informateurs en cas de danger par exemple. Ce sont souvent ceux qui tiennent les cabines ». Les enquêteurs ont également eu l’étonnement de trouver une carte très précise de la forêt de Yaya dans les affaires des membres du groupe.
Le réseau remonterait même jusqu’à la zone ouest et la forêt classée du Cavally particulièrement touchée par ce genre de phénomène.

Des peines trop légères ?
Les quatre mis en cause ont écopé de 6 mois de prison et de 250 000 francs d’amende. « L’article 134 du Code forestier prévoit une peine de 4 mois à 5 ans de prison et de 250 000 à 5 millions de francs-cfa d’amende. Nous ne remettons pas en cause le fait que le juge a appliqué le droit mais cela nous paraît peu », déplore le lieutenant. L’amende de 250 000 francs ne correspond par exemple qu’à la vente d’à peine 4 ha de terrain, soit une très faible somme pour le réseau.
« C’est une opération de deux semaines, nos agents ont pris des risques, traversé une rivière à pirogue, dormi chez le féticheur du réseau. Si on les confondait, cela pouvait être dangereux. Si on recroise les gars dans 6 mois, ils vont nous provoquer en disant qu’on aurait dû accepter leur arrangement. Là, ils risquent de devenir plus forts encore sur le terrain », déplore-t-il.
La Sodefor a en effet la possibilité d’accepter une somme d’argent sous forme de dommages et intérêts de la part du délinquant, ce qui évite de passer par la case tribunal.
Pour obtenir un jugement plus dur, l’administration a décidé d’interjeter appel pour deux motifs, explique Arthur Gnigoli, chef du service juridique : « D’abord, le juge n’a pas tenu compte de la qualité de récidiviste d’un des mis en cause, ce qui aurait dû entraîner une sanction lourde. Ensuite nous n’avons pas été constitué partie civile, c’est un manquement fort parce que nous n’avons pas été mis au courant de la tenue du procès. La Sodefor aurait dû toucher des dommages parce qu’elle représente l’État. »
Zeba Bation, dit « Tout petit », avait été condamné à 6 mois de prison pour le même motif en 2017 et avait eu un avis de recherche émis contre lui par la brigade de gendarmerie d’Alépé en janvier 2017 pour « vente illicite du patrimoine forestier de l’État et installation clandestine et frauduleuse de populations étrangère dans la dite forêt au préjudice de la Sodefor ». Une installation qui pourrait, en outre, causer des problèmes avec les populations autochtones qui n’ont pas accès à la forêt, notamment au village de Mopodji, selon le lieutenant.
« Nous sommes prêts, motivés et bien équipés, résume Landry Mahi, mais il faut que l’État nous appuie. On veut laisser quelque chose aux générations futures. On sillonne la Côte d’Ivoire, on n’a pas de vacances ni le 24, ni le 31. C’est décourageant lorsque les gens sortent très vite de prison comme cela ».
DORIAN CABROL, L’ELEPHANT DECHAINE N°627


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