Affaire « 18 mille tonnes de riz avarié » : Le gouvernement ivoirien s’est-il fait avoir ?
Affaire « 18 mille tonnes de riz avarié » : Le gouvernement ivoirien s’est-il fait avoir ?
Décidément, l’affaire du riz présumé «avarié» n’en a pas fini de connaître des rebondissements sur les bords de la Lagune Ébrié.
Depuis que L’Éléphant s’est plongé dans le dossier pour dégonfler une polémique qui enflait sans la moindre preuve de la mauvaise qualité du riz birman débarqué à Abidjan, le ministère de Commerce a posé plusieurs actions dans un délai pour le moins rapide. Jusqu’à confondre vitesse et précipitation ?
C’est ce que semblerait indiquer une décision du tribunal de commerce d’Abidjan rendue la semaine dernière qui suspend la destruction de la marchandise. Selon nos informations, la décision a été prise suite à une requête de l’exportateur Olam. Une nouvelle expertise du riz incriminé devrait être effectuée par le bureau Veritas.
Elle suspend donc la décision du ministère qui avait annoncé rapidement, dans un communiqué publié le 30 mars dernier sur sa page Facebook officielle, procéder à « la mise sous scellé de ses 18 000 tonnes de riz et au déclenchement de la procédure de destruction ».
Des justifications «courtes» pour la destruction
Une décision justifiée par les résultats d’analyse du riz qui seraient « non-conformes à la norme ivoirienne CODEX STAN 198-1995 » selon le même communiqué.
Un résultat qui constitue une première puisque, comme L’Éléphant l’expliquait précédemment (E.D n°635 du mardi 26 mars 2019), toutes les autres analyses faites au Togo et en Guinée, deux précédents ports par lesquels le riz a transité, allaient dans le sens d’un riz propre à la consommation.
En outre, si le ministère indique qu’à l’origine de ce résultat, ce sont « des analyses effectuées par un laboratoire accrédité et agréé dans le cadre du programme de vérification de conformité des marchandises à destination de la Côte d’Ivoire » (VOC), il ne précise pas le nom de ce laboratoire.
Quant à l’explication de la décision de « non-conformité » par rapport à la norme CODEX STAN 198-1995, elle reste floue.
En effet, le texte énumère tous les critères qui peuvent faire qu’un riz n’est pas propre à la consommation : impuretés, teneur en eau, présence d’insectes…. Difficile avec de telles informations de dire quel est le problème précis du riz d’origine birmane et donc ce qui justifiait cette destruction.
Des justifications courtes et imprécises qui auraient permis à Olam de douter du sérieux de l’expertise invoquée par le gouvernement ? En tout cas, cela n’a pas empêché le ministère de prononcer de lourdes sanctions à l’encontre des deux opérateurs économiques engagés dans le transport et la commercialisation du riz.
Un communiqué en date du 26 avril évoque une : « interdiction au vendeur du riz avarié, Olam International Limited, d’exporter du riz à destination de la Côte d’Ivoire pour une durée de 12 mois ». Même sanction pour l’autre opérateur, à savoir une « interdiction à la société Alimentation Toumodi Sarl, acheteur du riz avarié, d’importer du riz à destination de la Côte d’Ivoire pour une durée de 12 mois ».
Une sanction permise par l’article 22 de la loi n° 2016-410 du 15 juin 2016 relatif à la répression des fraudes et des falsifications en matière de vente des biens ou services. À noter au passage un glissement sémantique de la part du ministère, le riz est désormais considéré comme « avarié » et plus « non-conforme » à la norme CODEX STAN 198-1995.
Le même communiqué fait état de l’avancée de la destruction du riz engagée officiellement le 16 avril au Centre de valorisation et d’enfouissement technique de Kossihouen à la sortie d’Abidjan, sur l’autoroute du nord. « Le bilan partiel de l’opération au 26 avril 2019 s’établit à 2100 tonnes détruites » apprend-on.
À en croire le communiqué du Conseil national de sécurité du jeudi 2 mai, les sanctions pourraient ne pas s’arrêter là : « Le Président de la République a donné instructions aux Ministres concernés à l’effet de prendre les dispositions idoines pour la conclusion des enquêtes au plus tard le 15 mai 2019, en vue de permettre de situer les responsabilités et de prendre toutes les sanctions qui s’imposeront. »
Pour l’heure, la justice semble avoir mis un frein aux velléités gouvernementales.
DORIAN CABROL, L’ELEPHANT DECHAINE N°641
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