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Démocratie: La Côte d’Ivoire parmi les mauvais élèves

Alassane Ouattara

FILE PHOTO: Ivory Coast President Alassane Ouattara speaks at the meeting of the ruling coalition party RHDP organized to nominate him to stand for a third term in October's election in Abidjan, Ivory Coast August 22, 2020. REUTERS/Luc Gnago/File Photo

Selon des études faites par des structures internationales, les dix pays les plus démocratiques d’Afrique ne sont pas forcément les mêmes selon les deux index de référence mondiaux publiés chaque année. Pour l’Economist Intelligence Unit (EIU), on ne trouve que six démocraties « défectueuses » en Afrique, alors que l’ONG Freedom House pointe dix pays libres sur le continent, dont les scores n’ont rien à envier à la France, l’Italie ou les Etats-Unis. La carte du monde en fonction des régimes politiques qui prévalent dans tous les pays, telle qu’elle est publiée par le Democracy Index de l’EIU, le bureau de recherche indépendant monté par le journal The Economist, en dit plus long que tous les grands discours, dès le premier regard.

On y trouve d’un côté les continents largement démocratiques – Australie, Amérique du Nord et du Sud, Europe – et de l’autre les régions autoritaires – soit une large partie de l’Asie à l’exception de l’Inde, du Japon, de la Mongolie, des Philippines et de l’Indonésie. L’Afrique, elle, offre le visage le plus contrasté, avec des points sombres marquant les régimes les plus autoritaires de la planète. Ainsi, au niveau de la Corée du Nord, la Syrie et l’Arabie saoudite, figurent la République démocratique du Congo (RDC), la République de Centrafrique, le Tchad, la Guinée équatoriale et la Guinée-Bissau.

Six démocraties « défectueuses », selon l’EIU

Aucun pays n’y est considéré par l’EIU comme une « démocratie complète » au même titre que l’Australie, le Canada ou les pays scandinaves. Au mieux, on trouve donc des démocraties « défectueuses », au premier rang desquelles l’Afrique du Sud et le Botswana, les deux seules à être les moins « imparfaites » d’Afrique, en raison de la solidité de leurs institutions démocratiques (Constitutions respectées, élections transparentes, contre-pouvoirs démocratiques). Viennent ensuite la Namibie, le Ghana, le Sénégal et la Tunisie. Soit 6 pays sur 54. Tous les autres sont des « régimes hybrides » à mi-chemin entre le régime autoritaire et la démocratie. Ceux qui se classent parmi les plus avancés vers la démocratie sont le Mali, le Liberia et le Bénin sur la côte ouest-africaine, ainsi que Madagascar, l’Ouganda, la Zambie, la Tanzanie et le Kenya sur le versant oriental de l’Afrique.

L’index de l’EIU est connu pour être strict. Il ne distingue que 19 « démocraties complètes » dans le monde, sur une liste de 167 pays qui ne tient pas compte de certains Etats faillis comme la Somalie où les données statistiques ne sont pas disponibles. L’EIU a déclassé cette année les Etats-Unis de Donald Trump, pour les ranger dans la catégorie « défectueuse », en raison d’une « érosion de la confiance dans le gouvernement et les élus ». Cet index pointe par ailleurs une « récession démocratique » mondiale en 2016, avec des avancées dans 38 pays seulement, contre 72 pays marquant de moins bons scores, notamment en Europe de l’Est.

Dix pays « libres » en Afrique, selon Freedom House

L’index 2017 du bureau d’étude indépendant Freedom House aux Etats-Unis ne trouve pas non plus beaucoup de pays « libres » en Afrique. Il s’avère cependant plus précis s’agissant du continent, puisqu’il n’oublie pas les îles du Cap-Vert, Maurice ou Sao Tomé et Principe comme le fait l’EIU. Du coup, sur la carte du monde de Freedom House, qui mesure les degrés de libertés publiques et de droits politiques, dix pays d’Afrique se distinguent comme « libres » (18% du total et seulement 12% de la population au sud du Sahara). Il s’agit dans l’ordre du Cap-Vert (avec un index élevé de 90, similaire à celui de la France, sur une échelle allant de 0 à 100), l’île Maurice (89, aussi bien que l’Italie ou les Etats-Unis), du Ghana (83, au même niveau que Panama), du Bénin (82, comme l’Argentine et la Corée du Sud), Sao Tomé et Principe (81), suivi par le Sénégal, l’Afrique du Sud et la Tunisie (78, un cran en dessous du Brésil), la Namibie (77, le même niveau que l’Inde) et le Botswana (72, à égalité avec le Pérou).

Le Botswana tend à usurper sa bonne réputation de démocratie africaine, en raison de « la mainmise qu’exerce le parti au pouvoir depuis l’indépendance et des tendances autoritaires de son président actuel, Seretse Ian Khama », note Freedom House.

Viennent ensuite les pays « partiellement libres » (41% au sud du Sahara et 49% de la population), dans lesquels se trouvent pêle-mêle le Maroc, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Niger, le Nigeria, le Kenya, la Zambie, la Tanzanie, le Mozambique, le Malawi, le Zimbabwe ou Madagascar pour ne citer qu’eux. Une bonne moitié de l’Afrique se classe parmi les pays « non libres » (41% des pays au sud du Sahara et 39% de la population). Les pires scores sont ceux de l’Erythrée (3, le même niveau qu’en Corée du Nord), du Sahara occidental (reconnu ici comme un pays, 4), du Soudan du Sud (4), de la Somalie (5), du Soudan (6), de la Guinée équatoriale (8), de la République centrafricaine (10, au même niveau que l’Arabie saoudite), de l’Ethiopie (12), la Libye (13, qui n’est pas loin du score de la Chine) ou du Tchad (18, au même niveau que l’Iran), suivis par la République démocratique du Congo et le Burundi (19), la Gambie (20) ainsi que le Rwanda, le Cameroun et l’Angola (24, le même score que l’Afghanistan). Les analystes de Freedom House pointent eux aussi les points marqués partout par les populistes et les autocrates. Le nombre de pays ayant reculé sur le plan des libertés publiques a été supérieur (67) à ceux qui ont fait des avancées (36) en 2016.

Le rapport de 2019

Selon le rapport de 2019 publié en Janvier 2020, par l’Economist Intelligence Unit (EIU)  et prenant en compte 50 pays d’Afrique sauf les Seychelles, le Soudan du Sud, la Somalie et Sao Tomé-et-Principe, un état des lieux de la démocratie à travers le continent est fait. Il démontre qu’en 2019, la démocratie a globalement reculé dans le monde, sur le continent africain et plus particulièrement en Afrique subsaharienne. En effet, le score moyen de la région est tombé à 4,26 l’année dernière, contre 4,36 en 2018, son pire score depuis 2010. Comme en 2018, seule l’île Maurice se classe dans la catégorie « Pleine démocratie », devant la France et les Etats-Unis. Alors qu’environ 16 pays africains ont relativement amélioré leur score, 24 ont enregistré une baisse de leur performance.

D’après l’EIU, cette situation est due à la dégradation du processus électoral et du pluralisme politique dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. Avec un score de 4,01, l’Algérie passe de la catégorie « régime autoritaire » à la catégorie « démocratie hybride », en gagnant au passage 13 places pour se hisser au 113e rang mondial (25e africain). Le Soudan quant à lui obtient un score de 2,70, insuffisant pour le sortir de la catégorie « autoritaire », mais gagne néanmoins 8 places et se hisse à la 157e place mondiale (42e africain). Parmi les plus grosses chutes au classement, on note celle du Bénin dont le score baisse à 5,09, le faisant passer du 81e rang mondial au 97e rang (16e africain). Une situation essentiellement due aux élections législatives de 2019 sans la participation de l’opposition, et qui ont entraîné des violences ; un fait rare dans ce pays ouest-africain. Un autre pays ouest-africain, le Sénégal, enregistre une chute de neuf places et occupe désormais le 82e rang mondial (9e africain), ce qui le fait régresser de la catégorie des « démocraties imparfaites » aux démocraties « hybrides ».

Au total, sept pays africains sont des démocraties imparfaites (contre huit en 2018), 17 sont hybrides (à mi-chemin entre régime autoritaire et démocratie), tandis que les 25 autres sont classés dans la catégorie régime autoritaire. Pour rappel, l’Indice de la démocratie de l’Economist Intelligence Unit donne depuis 2006, un aperçu de l’état de la démocratie dans le monde entier pour 165 Etats indépendants et deux territoires. Pour ce faire, il se base sur cinq familles de critères à savoir : le processus électoral et le pluralisme, les libertés civiles, le fonctionnement du gouvernement, la participation politique, et la culture politique. Celles-ci permettent de classer les pays selon quatre types de régimes à savoir « pleine démocratie », « démocratie imparfaite », « régime hybride » et « régime autoritaire ». Pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, le constat fait est que le pays est en train de sombrer dans une démocratie mi-autoritaire, mi-hybride pilotée par le  président sortant qui piétine en ce moment la constitution à la veille des élections présidentielles, professe des menaces à l’encontre des opposants, procède à des emprisonnements arbitraires…

 Nathanaël Yao


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