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De la Libye à la Côte d’Ivoire: Sarkozy en difficultés, Ouattara esseulé!

Kadhafi et Sarkozy

« J’ai appris cette nouvelle mise en examen avec la plus grande stupéfaction.
Voici donc franchie une nouvelle étape dans la longue liste des injustices commises tout au long de l’affaire dite du prétendu « financement libyen » de ma campagne électorale de 2007. Après quatre journées d’interrogatoire, au cours desquelles j’ai répondu à toutes les questions qui m’ont été posées sans jamais être mis en difficulté, mon innocence est à nouveau bafouée par une décision qui ne rapporte pas la moindre preuve d’un quelconque financement illicite. J’ai produit tout au long de ces 44h d’interrogatoire des éléments essentiels au soutien de la démonstration complète de ma probité. Par respect pour l’institution judiciaire et pour le secret de l’instruction, je ne peux hélas, produire, comme j’en avais l’intention, les 120 pages du procès-verbal de mon audition qui auraient permis de montrer la réalité et la force des preuves ainsi apportées. Les Français doivent savoir que je suis innocent de ce dont on m’accuse en apportant un crédit invraisemblable aux déclarations d’assassins, d’escrocs notoires et de faux témoins. Je sais que la vérité finira par triompher. Je subis cette nouvelle épreuve en demandant à tous ceux qui m’ont fait et continuent à me faire confiance de comprendre que je finirai par prouver ma parfaite innocence. J’y mettrai toute la détermination et l’énergie dont je suis capable. L’injustice ne gagnera pas»,
telle est la déclaration de Nicolas Sarkozy sur sa page Facebook, suite à sa mise en examen pour le « financement libyen ».

Cette nouvelle poursuite  est la quatrième dans ce dossier pour l’ancien président Français, qui s’était dit victime d’un « complot » après les inculpations prononcées en mars 2018 pour « corruption passive », « recel de détournement de fonds publics » et « financement illégal de campagne ». À  l’issue de quatre jours d’audition et d’un interrogatoire-fleuve de plus de quarante heures terminé le lundi 12 Octobre 2020 dans la soirée, Nicolas Sarkozy a été mis en examen une nouvelle fois dans ce dossier instruit par les juges d’instruction Aude Buresi et Marc Sommerer, qui ont succédé à Serge Tournaire. En effet, fin janvier 2020, le parquet national financier a décidé d’élargir ses investigations. C’est dans le cadre de ce réquisitoire supplétif que les juges en charge de l’enquête ont à nouveau entendu Nicolas Sarkozy. L’information, révélée par Mediapart, a été confirmée par le Parquet national financier. L’ancien président a immédiatement réagi sur Facebook en estimant son « innocence bafouée ». « Chacun voit bien qu’il s’agit d’une décision sans précédent en cohérence avec les investigation réalisées. La procédure suit son cours », a pour sa part réagi Me Vincent Brengarth, l’avocat de l’association anti-corruption Sherpa partie civile dans ce dossier.

Le 31 janvier, les magistrats avaient mis en examen pour « association de malfaiteurs » l’un de ses anciens collaborateurs, Thierry Gaubert, soupçonné d’avoir touché des fonds provenant du régime libyen de Kadhafi qui auraient pu alimenter la campagne de Nicolas Sarkozy. Est-il réellement innocent ?

Le fils de Kadhafi réitère ses accusations

C’est par lui que le scandale a éclaté, en début d’année 2011. Saïf Al-Islam Kadhafi avait alors rompu avec son personnage de dandy réformateur pour promettre de faire couler des « rivières de sang », de combattre « jusqu’à la dernière balle » les manifestants en passe de devenir des rebelles armés, de même que la coalition menée par la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Dans un entretien diffusé par Euronews le 16 mars 2011, le deuxième fils du Guide libyen, alors âgé de 38 ans, évoque pour la première fois le financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy, quatre ans plus tôt. « Il faut que Nicolas Sarkozy rende l’argent, dit-il, nerveux et déterminé. C’est nous qui avons financé sa campagne, et nous en avons la preuve (…). Nous le révélerons tout prochainement. » Sept ans plus tard, trois doigts en moins coupés par les miliciens de Zintan, qui l’ont arrêté de nuit dans le désert libyen en novembre 2011 et l’ont détenu en résidence surveillée avant de le « libérer » en juin 2016, Saïf Al-Islam Kadhafi finit par répondre aux sollicitations de la justice française. A défaut de fournir des preuves, l’homme – qui est toujours recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité –, livre sa version des faits dans une lettre de huit pages dactylographiées en arabe transmise cet été aux juges français par l’intermédiaire de son cabinet d’avocats britannique.

Ces propos sont à prendre avec précautions, même si les avocats qui le défendent devant la CPI confirment l’authenticité de cette lettre et garantissent que M. Kadhafi en est bien l’auteur. Malgré ses ambitions présidentielles entretenues par ses proches et par la nébuleuse kadhafiste qui parlent en son nom, l’homme a été traumatisé par les tortures, la détention et entretient le mystère sur sa localisation, tout comme sur son état de santé mentale. Il l’écrit lui-même : « J’étais détenu en prison à l’isolement, totalement coupé du monde de novembre 2011 jusqu’en 2015. » Pourtant, dans cette missive signée et datée du 11 juillet 2018, ses propos sont détaillés et circonstanciés, y compris sur des faits qui se sont déroulés durant sa détention.

Triste réalité, triste destin

Jusqu’à ce que cette procédure aille à son terme, il faut retenir qu’en plus de cette affaire, l’ancien président français est impliqué dans l’arrestation de Laurent Gbagbo, ancien président ivoirien, le 11 Avril 2020 à l’issue du deuxième tour des élections présidentielles et ce, au profit de son ami Alassane Ouattara. Il est très proche de Ouattara qui n’hésite pas à faire part à ses homologues de ses qualités. Le président ivoirien lui a confié une partie de ses dossiers qataris, écartant ainsi son ex-conseiller spécial Mamadi Diané, désormais ambassadeur itinérant, et le Mauritanien Moustapha Chafi, qui avait été le premier à introduire les Qataris à Abidjan. Nicolas Sarkozy qui semblait avoir fait du respect de la limitation de mandats présidentiels en Côte d’Ivoire, une exigence, n’a visiblement pas interpellé son ami sur les déviations de celui-ci.

Bien qu’il soit un habitué de la résidence de repos d’Alassane Ouattara à Assinie, à proximité d’Abidjan. A moins que pour le couple Ouattara-Sarkozy, l’alternance au pouvoir et le respect de la limitation de mandats présidentiels soient pour les autres et non pour l’actuel locataire du palais d’Abidjan-Plateau. Rappelons qu’il a également été cité dans plusieurs affaires sales à savoir : l’affaire Bygmalion (un système de double comptabilité et de fausses factures destiné à imputer à l’UMP des dépenses de la campagne de la présidentielle 2012 avec environ 15 millions d’euros de dépenses de meetings pour éviter le dépassement du plafond autorisé) ; l’affaire de grosses coupures (une perquisition menée fin 2017 à Paris qui a mis au jour un usage régulier par Nicolas Sarkozy de liquide en grosses coupures, conduisant à l’ouverture par le parquet national financier (PNF) d’une nouvelle enquête révélée par Mediapart) ; l’affaire sondages à l’Elysée (enquête démarré en 2013 à la suite d’une plainte de l’association anticorruption Anticor, après un rapport de la Cour des comptes en 2009)…

 Depuis l’annonce d’une candidature de Alassane Ouattara pour un troisième mandat, le peuple ivoirien dans sa majorité est en ébullition. Des manifestations contre cette forfaiture ont eu lieu et continuent d’avoir lieu dans la majorité des villes du pays. Nous acheminons vers une transition politique en Côte d’Ivoire. Pendant qu’Alassane Ouattara négocie discrètement une amnistie et une sortie honorable, l’homme fait croire à ses militants que les élections auront bel et bien lieu le 31 Octobre 2020. Ce que l’opposition rejette du revers de la main et appelle le peuple à un boycott actif de ces échéances. La chute de Ouattara étant proche selon tous les opposants, si cela arrive, auprès de qui trouvera-t-il réconfort moral et assistance  puisque son ami Sarkozy est assis sur des braises ardentes actuellement et ne pourra pas cette  fois-ci venir à son secours ? Alassane Ouattara est isolé sur le plan national, sous-régional, africain et même mondial. Car son projet de troisième mandat (anticonstitionnel) n’est pas du goût de ses paires.

Nathanaël Yao

Avec RFI / Le monde


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