Etrange silence assourdissant: Un chercheur en science politique se prononce sur l’élection de Ouattara pour un 3e mandat
ETRANGE SILENCE ASSOURDISSANT AUTOUR DE L’ELECTION POLEMIQUE D’ALASSANE OUATTARA
Le samedi 31 octobre 2020 était jour d’élection en Côte d’Ivoire. Pour l’opposition, engagée dans une démarche de désobéissance civile au troisième mandat illégal du Chef de l’Etat sortant et de boycott actif du scrutin, il n’y a pas eu vote. Des médias et observateurs nationaux ou internationaux apportent de l’eau à son moulin en chiffrant le taux de participation entre 8 et 10% de l’ensemble de l’électorat. Pour le régime RHDP, il y a bel et bien eu vote. Il s’est, dans un premier temps, appuyé, sur les chiffreserronés communiqués par la CEI monocolore qui indique 53,90% de taux de participation, alors qu’elle affirme que 3 269 813 personnes ont voté sur 7 495 082. La calculette a dû tomber en panne.Qu’à cela ne tienne, pendant que l’opposition constate la fin du mandat d’Alassane Ouattara et met en place un organe de transition dénommé Conseil national de Transition (CNT), le RHDP jubile : son champion est proclamé vainqueur de sa parodie d’élection avec près de 94,27% de voix. Quel exploit dans un pays dit démocratique !
On s’attendait à ce que les messages de félicitations pleuvent comme des cordes, de partout. Mais, après une décade passée, rien ! La France s’est contentée de prendre note au lieu de prendre acte, ce qui en langage diplomatique est un désaveu. Son président, SEM Emmanuel Macron, exprime sa « vive inquiétude ». Le reste de la communauté internationale exprime sa préoccupation, sans plus. Dans la lugubre case des tabouretistes et ethnico-rattrapeurs, on excipait le fait que la communauté internationale attendait l’officialisation du résultat par le Conseil constitutionnel, finalement intervenu le lundi 09 novembre 2020.(Il est vrai que nos sages ont pris soin de s’assurer que leur machine à calculer était neuve et en bon état de fonctionnement. C’était utile pour réduire – ô miracle ! – le nombre d’inscrits à 6 066 441 électeurs, afin de corriger les graves et flagrantes anomalies algébriques de la CEI.)Espoir déçu et désenchantement ! Au surlendemain de ce travail herculéen – ou plutôt machiavélique – effectué par la haute cour pour valider la victoire du président du Conseil supérieur de la magistrature, toujours rien ! Bien sûr le quotidien Le Jour n’a pas manqué de souligner à sa Une : « après sa brillante élection, pluie de félicitations de la communauté internationale sur la table de Ouattara ». Sauf que de pluie, il n’y a que des gouttelettes : Mahamat Faki, Jean-Claude Brou, Nana Akuffo-Addo, Macky Sall, Faure Gnassingbé et Ibrahim Sami Abani. Tous de bons amis ou des obligés de Monsieur Ouattara.
Aux Etats-Unis d’Amérique, le 03 novembre était jour d’élection. Compte tenu de la taille du pays et des règles particulières qui autorisent le vote par correspondance et le vote électronique, sans compter les disparités des législations électorales d’un Etat fédéré à un autre, on a dû attendre plus de trois jours pour connaître le verdict : le ticket Joe Biden – Kamala Harris est devant et ne pourrait plus être rattrapé par le duo Donald Trump – Mike Pence. Alors que Donald Trump crie à la fraude et multiplie les recours devant les cours suprêmes des Etats fédérés concernés et de l’Etat fédéral, les messages de félicitations se multiplient à travers les Etats-Unis et le monde entier.
Aux Etats-Unis, le candidat républicain malheureux de 2012 face à Barack Hussein Obama, le sénateur de l’Utah Willard Mitt Romney, est le premier de son parti à avoir félicité les nouveaux président et vice-présidente élus. Il a été suivi par l’ancien président George Walker Bush et bien d’autres ténors du Grand Old Party (GOP), surnom du parti républicain. Ailleurs, si la Chine observe le silence et la Russie de Poutine préfère attendre le résultat officiel, plusieurs dirigeants ont envoyé des mots de congratulation au nouveau duo présidentiel. La liste est longue et non exhaustive : le premier ministre Justin Trudeau (Canada), la chancelière Angela Merkel (Allemagne), le premier ministre Boris Johnson (Grande Bretagne), le premier ministre Benjamin Netanyahu (Israël), Mahmoud Abbas (Territoires palestiniens), la présidente Ursula von der Leyen (Union européenne), le président Emmanuel Macron (France), le secrétaire général Jens Stoltenberg (Otan), le premier ministre Yoshihide Suga (Japon), le premier ministre Narenda Modi (Inde), le roi salmane ben Abdelaziz Al Saoud (Arabie Saoudite), le président Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud), le président Muhammadu Buhari (Nigeria), le président Moussa Faki Mahamat (Union africaine)… Que du beau monde !
Qu’on soit opposant engagé comme je le revendique, avec fierté et détermination, ou membre du RHDP version RDR qui s’agrippe au pouvoir, la question suivante s’impose à notre intelligence : comment se fait-il qu’un chef d’Etat « brillamment élu » avec un score à la soviétique, plusieurs jours avant un autre contesté par son adversaire, n’ait encore reçu le moindre message de félicitation là où il en pleut des kyrielles sur son homologue ? Avec la « jurisprudence » Biden – Harris, on comprend que la posture glaciale observée par la communauté internationale n’a rien à voir avec la certification du Conseil constitutionnel, mais témoigne plutôt d’un grand malaise. En vérité, la communauté internationale ne veut point se souiller. Elle rechigne à cautionner la démocratie bananière, la démocrature, sur fond de parti unique qui s’enracine en Côte d’Ivoire. Par son silence qui parle plus fort que n’importe quel mot, elle envoie un message clair au président Ouattara : il n’y a pas eu d’élection, donc il n’y a pas de président élu. Le président Ouattara qui s’est inscrit dans une logique de mater l’opposition saura-t-il entendre ce message, avant qu’il ne soit trop tard. C’est, en tout cas, ce qu’espèrent les 90 à 92% des Ivoiriens qui ont refusé d’aller aux urnes pour protester contre la violation de leur loi fondamentale, la Constitution.
KOUAME Yao Séraphin
Maire et délégué PDCI-RDA de Brobo
Chercheur en Science politique
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