Explosif/Côte d’Ivoire: «Daoukro a vécu l’horreur et Daoukro n’a pas encore tourné la page» (Vincent Toh Bi Irié)

Le préfet démissionnaire d’Abidjan, Vincent To Bi Irié, leader du mouvement ‘’Aube Nouvelle’’, a visité les villes martyrs après les crises pré et postélectorales. Après Bongouanou, M’batto, Bonoua, Dabou, etc. il arrive à Daoukro. Là-bas, il découvre une poudrière de mauvais sentiments prête à exploser à tout moment. Voici ce qu’il raconte sur sa page facebook, il y a 3 jours. Lisons ensemble.

DAOUKRO: “ON A PEUR”-“On a peur”, dans un camp. “On reste méfiant” dans un autre camp. À Daoukro, la colère et l’incompréhension s’expriment de façon ouverte et frontale. À Daoukro, le sang a coulé et les cœurs saignent encore abondamment…
À Daoukro, la cohésion entre communautés avait commencé à se fissurer depuis quelques années. En 2018, quelques brèches sont devenues visibles dans le mur de la cohésion. Les tournures politiques de 2020 ont accéléré l’éclatement. La douleur a effacé toute diplomatie langagière. “Trop, c’est trop”. Et puis, le paysage devenu familier de maisons incendiées.
Le bilan des décès et des blessés varie en fonction de la communauté qui l’annonce. Mais un lien commun : dans chaque communauté, des témoignages de décès et des blessés qui se déshabillent publiquement devant nous pour montrer les blessures de machettes, des impacts de chevrotines. Un jeune homme totalise 54 impacts de chevrotines sur le tronc. Un autre est devenu manchot, une machette a tranché son avant-bras jusqu’au niveau de l’épaule . Il devra apprendre à vivre avec un seul bras pour le restant de sa vie.
Un frêle jeune homme me montre son œil droit qui ne voit plus. Un calibre 12 l’a éclaté. Une autre maman pleure l’œil perdu de son fils qui est en terminale. 03 jeunes m’obligent à toucher différentes parties de leurs corps. Il y a à l’Intérieur de leurs chairs des chevrotines qui n’ont pas encore été extraites.
À part ces témoignages visibles, les jeunes des différentes communautés tiennent à ce que nous voyions des photos effroyables de personnes décédées ou blessées.
Des photos du jeune qui a été décapité et celle d’un jeune tué d’une décharge dans la bouche .Quelqu’un lance: “C’est la deuxième décapitation ici, chaque communauté a connu pour elle”.
Des jeunes nous obligent à aller sur le site la décapitation. La narration des témoins sur place donne froid dans le dos.
Ceux qui minimisent les questions de conflit devraient venir entendre les populations.
AUBE NOUVELLE est présentement à Daoukro. Sa Majesté le Roi, le Chef du Village, les Chefs de communautés, les chefs religieux, les associations de jeunesse et de femmes, autorités régionales, élus, tous impliqués pour le retour de la paix.
À Daoukro, le temps a changé de repère. On parle maintenant en termes de “première crise” (Août 2020) “deuxième crise” (Novembre 2020). Sur ces références temporelles macabres tout le monde est d’accord.

À Daoukro, la parole est sévère et véhémente. On parle sans détours. L’émotion fait surface. Importante catharsis.
Mais il y a constat clair : Daoukro a vécu l’horreur et Daoukro n’a pas encore tourné la page. Daoukro veut-elle tourner la page?
Il est devenu évident, depuis Daoukro, que le plus grand chantier auquel les décideurs publics devront s’atteler, c’est la réconciliation. La cohésion communautaire a été gravement fissurée à certains endroits. Aucun développement harmonieux ne sera plus possible, si la vie communautaire n’est pas repensée. Réconciliation. Réconciliation. Paix. Paix… après l’ouragan encore subtilement perceptible dans l’opaque ciel Ivoire …
Vincent Toh Bi (Ndlr, ex-préfet d’Abidjan)
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