Côte d’Ivoire: L’autorité des décisions du Conseil constitutionnel s’effondre… Le »diable » a-t-il aussi habité Koné Mamadou?
La déclaration à la cérémonie d’investiture du chef de l’Etat en date du 14 décembre 2020 du Juge Mamadou Koné, Actuel Président du Conseil Constitutionnel, interpelle plus d’un.
Son intervention tourne autour de deux points particuliers traduits dans cette diatribe : «Si le Conseil Constitutionnel dit qu’un candidat est éligible, alors il est éligible, si le Conseil Constitutionnel dit qu’un candidat est élu, alors il est élu». Etayant cette assertion par l’article 1 de la Constitution qui dit que « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics, à toute autorité administrative, juridictionnelle, militaire et à toute personne physique ou morale».
De fait, dans son entendement, nul n’a le droit de contester ce que le Conseil Constitutionnel a décidé, et ce, quelles qu’en soient les raisons.
Cette affirmation « si le Conseil Constitutionnel dit qu’un candidat est éligible, alors il est éligible, si le Conseil Constitutionnel dit qu’un candidat est élu, alors il est élu » enlève au Candidat Alassane Ouattara tout doute éventuel sur son éligibilité et son élection aux dernières élections présidentielles. Le Juge constitutionnel met «l’élu» en confiance. En français courant, cela voudrait dire, «Monsieur le Président, rassurez-vous, Si le Conseil constitutionnel dit, alors vous êtes dans la vérité.»
Cette assertion n’est malheureusement pas vraie dans notre cas pour les raisons suivantes :
D’abord, le juge Président, dans le rappel récent de histoire de notre pays, a volontairement omis de dire que Monsieur Ouattara était déclaré inéligible en 2000 par le Conseil Constitutionnel. En effet, par un arrêt le 4 octobre 2000, le président Tia Koné avait déclaré inéligible le Candidat Alassane Ouattara par des motifs juridiques qu’il a étayés. On se rappelle aussi que cette décision avait été jugée inique par le camp de M. Ouattara. Si l’on suit la logique de Monsieur le Juge Constitutionnel, Monsieur Ouattara était donc bel et bien inéligible en 2000 et les raisons avancées pour son éviction étaient donc valables.
Si, on se fonde sur cette compréhension et qu’on fait un tour en arrière en 2000, personne n’avait le droit de remettre en cause l’inéligibilité de M. Ouattara déclarée par le président Tia Koné.
D’ailleurs cette décision de l’inéligibilité de M. Ouattara fera partie des raisons évoquées par des membres de la Rébellion déclenchée le 19 septembre 2002, pour disait-on «combattre l’exclusion et la catégorisation des Ivoiriens». La décision du juge électoral était alors vue comme une exclusion qui aura donné lieu à la plus grave crise qu’a connue la Côte d’Ivoire depuis son indépendance. Où donc met le président du Conseil Constitutionnel cette rébellion dont le secrétariat général connaissait bien un certain Koné Mamadou, magistrat ?
Ensuite, l’on se souvient que pour préserver la paix, le Président Laurent Gbagbo a dû, exceptionnellement, autoriser, en se servant de l’article 48 de la constitution d’alors, Monsieur Alassane Ouattara à être candidat en 2010. Ce qui démontre que si la Paix est en jeu, le président peut demander qu’on mette entre parenthèses la rigidité des textes pour donner une chance au pays. Le président Mamadou Koné, vu les vagues de contestation et vu la violence des répressions sur les manifestations depuis le 6 août 2020 (date de déclaration de la candidature de M. Ouattara), ne pouvait-il pas voir et apprécier le bien-fondé d’une décision pouvant renforcer la paix ?
En octobre 2010, le Conseil Constitutionnel était « habité par le Diable » selon les propres termes de la confession du Juge Constitutionnel, Monsieur Paul Yao N’dré, contraint de revenir sur sa décision rendue en décembre 2010 déclarant Laurent Gbagbo vainqueur de la présidentielle d’octobre et de novembre 2010. Ici le Conseil avait déclaré Monsieur Gbagbo élu et donc, il devait être reconnu comme élu par tous. Malheureusement pour le candidat déclaré élu par le Conseil Constitutionnel et selon les arguments du juge Koné, la certification de l’ONU intervient pour déclarer le vrai « Vainqueur », après une guerre postélectorale ayant fait officiellement 3000 morts, quand la rébellion qui occupait le nord du pays a entrepris d’envahir le sud et de déloger par la force Laurent Gbagbo dont le camp de Ouattara ne reconnait pas la victoire déclarée par le Conseil Constitutionnel. Le Conseil Constitutionnel avait donc déclaré, à tort, Monsieur Laurent Gbagbo élu.
De plus, sur la question de l’éligibilité, le Conseil Constitutionnel aurait dû prendre en compte dans ses décisions l’engagement sur l’honneur du Président Ouattara par l’intermédiaire de son Ministre de la Justice, de ne pas briguer un troisième mandat, ensuite de la déclaration solennelle faite par le président Alassane Ouattara devant l’Assemblée Nationale et le Sénat (réunis en congrès) le 5 mars 2020 à Yamoussoukro, de passer la main à une autre génération. Les conditions d’organisation desdites élections, où le sang a coulé, auraient pu aussi interpeller le sens de la responsabilité du Conseil Constitutionnel pour invalider ces prétendus résultats. Mais il ne l’a pas fait. Fort qu’il était de ce que seule sa décision s’imposera à toute une Nation, même si le préambule de la Constitution qui lui confère son super pouvoir a pour premières lignes : «Nous, Peuple de Côte d’Ivoire; Conscient de notre indépendance et de notre identité nationale, assumons notre responsabilité historique devant la Nation et devant l’humanité;… ».
Ces faits nous montrent donc que depuis 2000, notre pays a une crise de confiance avec son Conseil Constitutionnel. Par la faute de qui ? De 2000 à 2010, certains pouvaient contester allègrement la décision du Conseil Constitutionnel, mais à partir de août 2020, plus personne n’a le droit de contester la moindre décision du Conseil Constitutionnel, dès lors que ceux qui avaient ce droit sont au sommet.
Avant leur accession au pouvoir, quand le Conseil Constitutionnel dit une chose, alors elle est entachée de mensonge, elle ne traduit donc pas la vérité parce que tous les Conseils Constitutionnels étaient à la solde du pouvoir en place.
Nous ne sommes plus dans le marbre du discours du Juge Koné, nous sommes dans le pôtô pôtô, rien ne tient et tout s’effondre.
Le Conseil Constitutionnel de notre pays n’est donc pas l’organe que décrit le juge président dans sa déclaration. Toute l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel s’effondre avec le pouvoir constituant de notre pays.
PAUL KOUDOU
In le nouveau réveil / Jeudi 17 décembre – N°5641 // www.lereveil.net
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