Législatives du 06 mars : Le grand dilemme des candidats et des militants

Des voix s’élèvent au sein des partis politiques, pouvoir comme opposition, pour dénoncer le comportement de certains candidats indépendants qui utiliseraient des images et autres objets de leurs partis respectifs pour faire croire qu’ils sont les candidats désignés de ces partis. Cela, de toute évidence, est une usurpation qu’il convient de dénoncer comme cela a été fait dans l’édition du Nouveau Réveil, d’hier.

En revanche, ce qui peut être une fausse querelle faite aux indépendants, c’est de leur reprocher l’usage des instruments du parti tout en se déclarant indépendants. Cela est un vrai faux procès fait à ces indépendants qui n’en demeurent pas moins des militants parfois engagés en temps normal. Car ce sont souvent ceux-là qui, en période non électorale, entretiennent les bases avec le peu de moyens qu’ils ont.

Cela se fait parfois au détriment de leur propre vie. Il y a, en effet, des cadres qui préfèrent financer les activités de leur parti alors que leurs enfants sont renvoyés de l’école pour scolarité non payée. Ces genres de sacrifices sont légion. Et lorsque vient le moment de bénéficier du retour de ce don de soi, de ces sacrifices, on leur parachute d’autres militants parfois absents du terrain pour être candidats dans leur circonscription.

Voici ce qui engendre la prolifération des candidatures indépendantes. Qui ne doivent pas être vues seulement comme des actes d’indiscipline. Mais bien plutôt comme des droits revendiqués par des militants qui se sentent floués, frustrés, par leurs dirigeants. Et lorsque ces choix sont opérés à partir des bureaux d’Abidjan, loin de la réalité du terrain, on ne se donne même pas la peine d’adresser un message de soulagement, de consolation, à ces cadres recalés. Et blessés dans leur amour-propre aux yeux de leurs populations, de leurs militants de base avec qui ils ont toujours œuvré au bien du parti. Ce ne sont que des menaces de sanction qu’on profère contre eux.

LA DISCIPLINE DU PARTI NE POURRA MIEUX S’APPLIQUER QUE PARCE QU’ELLE SERA UN CREUSET DE JUSTICE

Pourquoi devrait-on se permettre de tels abus au nom d’une discipline du parti qui ne sera effective et respectée que parce qu’elle reposera sur la justice et la reconnaissance du mérite des militants qui s’investissent sur le terrain à temps et à contretemps ? Au nom de quelle discipline devrait-on admettre que des cadres se saignent à blanc sur le terrain pour leur parti et qu’à l’heure du choix pour les élections, on leur parachute d’autres cadres ?

Mais une fois le choix de la direction du parti imposé en faveur des candidats désignés, il ne reste plus à ceux qui se sentent frustrés qu’à user de tous les moyens légaux pour faire prévaloir leurs droits de se porter candidats afin que le terrain tranche. Plutôt que d’être condamnée, une telle attitude n’est que l’expression de la pluralité démocratique pour laquelle nous nous battons tous. Elle est surtout l’expression de la liberté d’action reconnue par la Constitution.

Si, en dehors de cela, les partis politiques veulent instaurer la discipline en leur sein pour un meilleur fonctionnement, cette discipline ne pourra mieux s’appliquer que parce qu’elle sera un creuset de justice et non de ce qui peut ressembler à des règlements de comptes. Car, on semble parfois oublier qu’un parti politique ne vaut et ne vit que par les contributions de ses militants. Qui sont en droit d’attendre de lui des explications voire des actes de reconnaissance.

Mais si au lieu de cela, on ne sert que l’injustice et la frustration, on fait inévitablement le lit de la désobéissance et de la déchirure qui auront pour conséquence la fragilisation du parti. A qui la faute incomberait-elle en pareille situation ? D’où l’impérieuse nécessité de faire preuve de flexibilité. Et ce, d’autant que la plupart des indépendants ont toujours offert leur victoire à leur parti une fois celle-ci obtenue. Les législatives de 2016 avaient enregistré plus de 80 indépendants sortis victorieux de la compétition.

DES CANDIDATS INDEPENDANTS ONT LE SOUTIEN DE LA BASE

Que des candidats indépendants se servent des instruments de leur parti qu’ils ont obtenus bien avant la période électorale, est la preuve qu’ils ont toujours été des militants actifs qui prennent part aux différentes activités du parti et qui ne devraient pas être écartés du jeu électoral sans aucune explication à eux fournie. Tout en revendiquant leur appartenance au parti par l’usage de ses instruments, aussi bien en temps normal qu’en période électorale, les militants doivent clairement afficher qu’ils vont à ces élections en candidats indépendants.

L’utilisation des objets de leur parti vise à convaincre les militants de base que quoiqu’indépendants pour la circonstance et pour des raisons dont seule la direction du parti a le secret, ils demeurent bel et bien militants de leur parti qu’ils ont toujours servi dans un esprit de sacerdoce. Il nous revient d’ailleurs que des candidats indépendants le sont par la volonté de leurs personnels politiques de base avec qui ils ont toujours travaillé en parfaite harmonie.

Ceux-ci n’acceptent donc pas le parachutage de personnes qu’ils ne voient sur le terrain que de façon saisonnière. Cela n’est pas de nature à encourager le militantisme actif prôné par certains partis comme principal critère de choix aux élections. Peut-être faudra-t-il à l’avenir procéder à des primaires pour choisir les candidats.

Cela éviterait les choix que d’aucuns jugent arbitraires et leurs lots de frustrations à l’origine des candidatures indépendantes. Un véritable dilemme entre des candidats indépendants soutenus par la base et ceux désignés par le sommet mais isolés sur le terrain. L’on gagnerait à y trouver une solution. Dans l’intérêt de tous.

ABEL DOUALY

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