Massacres de Duékoué: Un procès, des zones d’ombre… Ouérémi, l’arbre du Mont Péko qui cache la forêt ivoirienne

La justice ivoirienne a fait connaître son verdict dans le procès des massacres de Duekoué en 2011. Elle a trouvé un bouc-émissaire condamné à la prison à vie. Et pourtant, Me Séripka, avocate d’Amadé Ouérémi, avait pris la parole pour une justice en profondeur, lors du procès des massacres de Duékoué, ce mercredi 14 avril. Dans sa plaidoirie, elle a tenté de démontrer, par des preuves, que son client a été utilisé et trompé par des manipulateurs qui devraient en principe être entendus, mais qui n’ont jamais été appelés à la barre.

«En ma qualité d’avocate de l’accusé, je vais plaider la cause d’Amadé Ouérémi, dans ce procès qui se déroule devant la juridiction. Cette affaire doit être traitée à la racine, pour connaître les tenants et les aboutissants», a-t-elle postulé.
L’avocat plante ensuite le vrai décor. «Amadé Ouérémi était un mécanicien de vélo. Qui va se reconvertir en agriculteur. Il paie une portion de terre pour faire sa plantation. (…) Dans cette rébellion armée avec des armes lourdes, il sera approché par des chefs de guerre qui l’ont rassuré, l’ont mis en confiance. Il s’est associé à une armée de rebelles qui s’est installée dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Amadé a eu gîte et couvert. Il a eu des tenues militaires et des armes. Il n’était pas militaire, à l’origine», a-t-elle rappelé.
Puis de s’interroger. « Pourquoi lui a-t-on donné ces armes ? Dans ces photos que voici, que fait Amadé en tenue militaire aux côtés du commandant Losséni Fofana dit Loss ? Où a-t-il eu ses éléments militaires ? Où a-t-il eu ses armes. A-t-on montré des reçus de paiement de ces armes ?».
Tentant d’y répondre, elle dira : « Amadé et ses prétendus hommes avaient des armes plus fortes que celles de l’armée de Côte d’Ivoire. Ils avaient des armes plus fortes que celles de la Force Licorne ou celles des Forces onusiennes ? Pourquoi veut-on porter ici le chapeau à cet homme frêle, analphabète, ce qui s’est passé comme atrocités ? Un seul homme peut-il commettre un génocide?»
Selon elle, «un génocide est le fait d’une multitude de personnes. Il faut dénicher les responsables de la rébellion et les commanditaires tapis dans l’ombre. Dieu fait grâce, ceux-là n’échapperont pas, partout où il y a une justice. Il y a bel et bien eu génocide à Duékoué. J’en suis désolée. Toutes les victimes qui ont défilé ici en ont marre, elles pleurent. Toutes ces victimes ont besoin de justice. Ce procès m’a laissée sur ma faim, un goût d’inachevé comme bien d’autres personnes. Amadé dit qu’il a été trompé. Il a été instrumentalisé. Les victimes demeurent et les commanditaires demeurent. Amadé était bel et bien un élément de l’armée de Côte d’Ivoire. Amadé Ouérémi recevait bel et bien des ordres, des instructions.»
Enfin, «dans votre sentence, vous en tiendrez compte. (…) Ces victimes sont tombées sous des idéaux de politiques véreux. Il y a nécessité qu’une rébellion ne prenne pas le pas sur un Etat de droit», a plaidé Me Serikpa.
Ce jeudi 15 avril 2021, la justice ivoirienne a donné son verdict. L’ex chef de guerre Amadé Ouérémi a été condamné à la prison vie, pour les tueries commises à Duékoué, fin mars 2011, dans l’ouest du pays. La sentence est conforme à la peine exigée par le Procureur dans son réquisitoire. L’ancien seigneur de guerre du Mont Peko a été reconnu coupable de « crimes contre les populations, de séquestrations, de vols en réunion et de destructions de meubles et d’immeubles ».

Cependant, la Défense de Ouérémi entend introduire un appel contre le jugement. «C’est pas à Amadé de payer tout seul pour les chefs de guerre connus de tout le monde et toujours en liberté», a indiqué son avocate.
Amadé Ouérémi, comme un arbre du Mont Péko qui cache la forêt ivoirienne. «Ce procès n’a pas élucidé ce qui s’est passé à Duékoué, de sorte que trop de zones d’ombre nous font encore réfléchir», a réagi Me Aka, face à la presse, après l’annonce du verdict par le juge Charles Bini.
Gilles Richard OMAEL
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