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Kouamé Séraphin (député-maire) à Achi Patrick (PM): «Je vous invite à entrer dans l’histoire de notre pays» (Lettre ouverte)

Passation de Charge Ahoussou Achi 0007

Brobo, le 21 septembre 2021

A

SON EXCELLENCE MONSIEUR PATRICK ACHI,

PREMIER MINISTRE DE CÔTE D’IVOIRE

ABIDJAN.

Monsieur le Premier Ministre,

Comme « il n’est jamais trop tard pour bien faire », selon l’adage, je voudrais vous dire que je me suis senti soulagé de votre nomination en qualité de Chef du gouvernement de notre pays, la Côte d’Ivoire. Bien entendu, j’aurais préféré le Pdci-Rda au pouvoir, le président Bédié sur le fauteuil présidentiel et un des loyaux militants du parti de Félix Houphouët-Boigny à votre place. Hélas, je ne connais que trop la realpolitik et je dois me faire à l’idée que le Rhdp continue à gouverner, malgré tout ce que l’opposition a décrié et sur lequel il n’est pas opportun de revenir dans cette brève missive.

Achi Patrick 0032

Monsieur le Premier Ministre,

« De deux ou plusieurs maux, il convient de choisir le moindre mal » dit-on. Devant me résoudre à accepter la gouvernance Rhdp, en attendant que les choses changent, je préfère m’accommoder d’une personnalité de votre trempe plutôt que d’une autre. Mon soulagement – ne soyez pas frustré si je ne parle pas de joie – de vous voir à la tête de la Primature se fonde sur deux raisons : la première repose sur votre qualité intrinsèque de technocrate, étant moi-même viscéralement attaché aux valeurs du mérite et de l’excellence. C’est un euphémisme de dire que vous êtes brillant et malgré votre choix malaisé d’abandonner le navire familial, Pdci-Rda, je ne peux occulter une telle vérité. La mauvaise foi ne fait pas partie de mon éducation et de mes défauts. La seconde raison, c’est que je reste convaincu que la fibre étatique ne vous a jamais quitté, malgré votre transhumance. Or, je tiens pour principe qu’il vaut toujours mieux avoir au sommet du gouvernorat d’Etat des hommes et/ou des femmes rompus aux arcanes de l’Etat plutôt que des parvenus, aventuriers et autres apprentis politiciens incapables de se projeter dans une vision qui transcende les considérations partisanes et la frontière des différences.

Oui, je me suis senti soulagé parce que, pour faire simple, je fonde sur vous beaucoup d’attentes et je nourris le secret espoir de vousvoir conduire avec succès le processus de réconciliation nationale. Il n’est pas bon, pour notre pays, que ce processus qui est aujourd’hui à sa quatrième phase accouche encore d’une souris. On dit que certaines gens de votre nouvelle maison vous mènent la vie dure, parce qu’ils ne veulent point entendre parler de réconciliation ou de paix. J’espère que ce ne sont que des commérages.

En ce qui me concerne, je veux vous encourager à vous inscrire résolument, contre vents et marées, feux et eaux, dans le courant de l’initiative du Président Henri Konan Bédié qui appelle tous et singulièrement le Président Alassane Ouattara au dialogue national inclusif. La vérité est que le régime Ouattara passera, comme sont passés ceux de Bédié, Guéi et Gbagbo. Pardonnez-moi si cela vous choque, mais c’est dans l’ordre normal des choses : comme il n’y a point de prière qui n’aie un amen, tout pouvoir est appelé à passer, à prendre fin. Mais pas l’histoire.

Monsieur le Premier Ministre,

L’histoire de ce pays ne passera jamais et la moindre chose qui y aura été inscrite sera gravée et rappelée aux mémoires de génération en génération. C’est pourquoi, humblement, je vous invite à entrer dans l’histoire de notre pays par la porte des bons souvenirs. Pour y parvenir, vous devez être capable de monter au balcon, de vous placer au-dessus de la mêlée. Pour y arriver, vous devez faire de l’intérêt supérieur de la Nation et de l’intérêt général des Ivoiriens de tous bords la priorité de vos priorités, et de la réconciliation nationale l’urgence de vos urgences.

Monsieur le Premier Ministre,

Entre nous, entre un jeune frère et son aîné, cela m’avait un peu blessé, lorsqu’en tant que directeur de campagne de votre nouveau mentor, pour la présidentielle de 2020, vous avez affirmé sur un plateau de télévision étrangère, que la réconciliation nationale n’était pas un programme de développement. En d’autres termes, vous vouliez dire que la réconciliation nationale n’est pas essentielle en Côte d’Ivoire, ce qui compte étant le développement qui, pour vous, se limite aux infrastructures, par exemple les routes et les ponts.Heureusement, ce n’était qu’un discours de campagne.En effet, en auscultant votre posture ces derniers temps, je note positivement que vous avez beaucoup évolué dans vos conception et conviction. Je m’en réjouis et je vous encourage à poursuivre dans cette nouvelle voie.

Car, à très court terme, le seul projet de société et le seul programme de gouvernement qui vaillent la peine d’être mis en œuvre au profit des Ivoiriens, c’est la réconciliation nationale. En m’inspirant de la Bible, c’est un peu comme quand elle nous dit de chercher d’abord le royaume et la justice de Dieu et que toutes les choses auxquelles nous aspirons nous seront données par-dessus. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire doit résolument chercher la réconciliation, après quoi elle pourra sereinement poursuivre son développement pour se hisser au niveau des plus grands Etats. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je trouve totalement incongru, dans la forme comme dans le fond, le nième et intempestifprojetde modification de la Constitution qui ne fera que remettre de l’huile sur le feu. Ce sera le sujet d’une autre lettre.

Monsieur le Premier Ministre,

« Le moment est favorable et ce moment c’est maintenant ! » C’est le leitmotiv d’une des leaders les plus brillantes de la gente féminine de notre pays. A moins de me méprendre gravement, il me semble que les trois grandes étoiles de notre pays soient maintenant alignées sur l’impératif de réconcilier les Ivoiriens, afin de ramener la Paix et la stabilité, conditions indispensables à tout développement pérenne. Le Président Bédié en fait son dernier combat. Le Président Gbagbo l’a rejoint dès son retour au pays, obligeant le Président Ouattara, réfractaire au début, à saisir la balle au bond.

Bref, les maîtres d’ouvrage de la réconciliation nationale sont donc prêts. En votre qualité de maître d’œuvre, les Ivoiriens vous regardent. Ils ont avalé beaucoup de couleuvres : rattrapage ethnique, gestion clanique, « tabourétisme », troisième mandat anticonstitutionnel, vie chère, justice sélective etc. Auront-ils la force morale et la mansuétude de laisser piétiner encore et encore leur plus précieux héritage à eux légué par le père-fondateur, Félix Houphouët-Boigny, dont tous se réclament ?

Monsieur le Premier Ministre,

Le peuple de Côte d’Ivoire veut se réconcilier. Les trois grands se sont enfin parlé. Ils ont déclaré, devant la Nation et devant Dieu, leurs dispositions à aller de l’avant pour sauver la Côte d’Ivoire. La balle est maintenant dans votre camp. Avec courage et discernement, engagez-vous. Je vous en sais capable, parce que vous l’avez récemment démontré en faisant preuve de lucidité et de pragmatisme dans l’aberrante et fâcheuse affaire du contrôle financier des collectivités locales. Même si la décision de suspension n’est qu’un pis-aller – puisque les élus locaux n’attendent ni plus ni moins que le rapport pur et simple de ce décret autonomicide – c’était, sur le moment, la bonne décision à prendre.

Vous êtes donc capable de prendre la bonne décision en faveurd’un dialogue national inclusif et d’agir en conséquence. Que donc cette quatrième phase du processus de réconciliation nationale soit l’heureuse dernière et qu’au bout de ce processus les Ivoiriens, dans leur grande diversité, puissent se retrouver à nouveau. Depuis des décennies, ils appellent ce moment de tous leurs vœux. Soyez celui par qui ce grand rêve s’accomplira et gagnez votre place du bon côté de l’histoire de notre chère patrie.

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KOUAME Yao Séraphin,

Député de la Nation,

Maire de Brobo.


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