«PANDORA PAPERS» : Voici l’enquête sur Patrick Achi que ‘’L’Eléphant déchaîné’’ aurait refusé de publier
Article à litige en ce moment à la rédaction du confrère satirique, l’hebdomadaire L’Eléphant déchainé, nous (africanewsquick.net) la publions pour que chaque lecteur se fasse une opinion claire de la crise qui secoue la corporation.
Par NOËL KONAN
En signant le 28 avril 2021, avec l’ensemble des ministres, sous le regard très attentif d’Alassane Ouattara, président de la République, « La charte d’éthique du Gouvernement », le premier ministre Patrick Achi dissimulait-il ? Son engagement solennel de se mettre au service de la République et du peuple ivoirien était-il sincère ou participait-il du folklore habituel d’un rituel d’État déjà bien rodé ? Difficile de se prononcer. Enquête sur un « vol » ou une « dissimulation » que des « mercenaires de la plume » attribuent à des activités légales !
Patrick Achi et la consultance, une histoire d’amour de longue date
Tout donne à croire que la consultance serait le domaine de prédilection de Patrick Achi. Qu’est-ce qui justifie un tel attachement à cette activité professionnelle ? Certainement la formation universitaire du Premier ministre ivoirien effectivement titulaire d’un Master of science en management obtenu à l’université de Stanford en Californie. A noter également que Patrick Jérôme Achi est également ingénieur de l’Ecole supérieur d’électricité de Paris. En 1983, après ses études académiques, il débute sa carrière professionnelle à Paris, chez Arthur Andersen, un cabinet international d’audit et de conseil. En 1988, il est muté à Abidjan en qualité de directeur technique dans la division conseil du cabinet, bureau pour l’Afrique de l’Ouest et Centrale. En 1993, il crée finalement son propre cabinet baptisé Strategic and Management Consultant (SMC) dans lequel il cumulé les fonctions d’associé gérant, fondateur et gérant. De 1995 à 1997, il exerce en tant que consultant au ministère de l’Economie et des Finances, notamment à la Direction des participations. Il préside par ailleurs les conseils d’administration de sociétés d’Etat : l’Autorité nationale de régulation du secteur de l’électricité (ANARE) et la Société d’opération ivoirienne d’électricité (SOPIE). Il est ensuite nommé conseiller technique du ministre de l’Energie de 1997 à 1999. De 1999 à 2000, il sera le délégué du Gouvernement chargé de la réforme de la filière café-cacao. Enfin en 2000, il fait son entrée au Gouvernement en tant que ministre des Infrastructures économiques. Malgré ses fonctions administratives, gouvernementales et politiques, il a gardé un lien très étroit avec la consultance au point de posséder une société commerciale internationale (International Business Company, IBC) de droit bahaméen, spécialisée dans le consulting.
La société sécrète de Patrick Achi
Allstar Consultancy Services Limited a été constituée le premier décembre 1998 avec un capital social de 50.000 dollars US soit 28.283.280 francs CFA. Cette société commerciale internationale enregistrée sous le numéro IBC 83884 B et sous le numéro d’entreprise 20-00003655 est basée à Nassau, la capitale des Bahamas. Elle a pour activité principale, comme son nom l’indique, le consulting. Pour mettre sur pied sa société offshore, Patrick Achi a eu recours à Richard Cook, fondateur et directeur de Cook Worldwide Limited (CWW), un fournisseur de services. On se doute bien qu’une telle application de la part d’un spécialiste de la finance a de quoi interroger le sens commun. L’intérêt de Patrick Achi pour ce paradis fiscal que constitue les Bahamas est assurément la promesse d’optimisation fiscale pour laquelle l’archipel détient une réputation solide. Qui plus est, en établissant sa société dans une juridiction extraterritoriale, l’actuel premier ministre évite plusieurs charges fiscales tout en s’assurant le fait de s’exonérer des taxes d’impôts sur les bénéfices. Allstar Consultancy Services Limited, société d’une personnalité éminente de l’Etat n’est pas inscrite des livres de compte du pays. N’ayant aucune taxe ni aucun impôt sur les bénéfices à payer, Allstar Consultancy n’est pas obligée de déposer ses comptes annuels. Un autre intérêt consiste à exercer son activité dans l’anonymat et la confidentialité, écran de fumée pour dissimuler les informations stratégiques tant sur la société que ses bénéficiaires économiques.
Patrick Achi a recours à un prête-nom
Malgré l’anonymat et la confidentialité que lui assure Cook Worldwide Limited, Patrick Achi va prendre des précautions supplémentaires pour cacher tout lien avec Allstar Consultancy Services Limited. Qu’est-ce qui justifie une telle précaution ? Certainement sa pleine conscience de son statut de personne politiquement exposée (PPE) et des conflits d’intérêts liés à sa qualité. Demeurer dans l’anonymat devient donc nécessaire. Pour ce faire, le successeur d’Hamed Bakayoko va donc désigner Rendor Overseas S.A., une autre société offshore en tant qu’actionnaire de son entreprise et en tant que premier dirigeant et nominé. En effet, dans un courrier de Karen Brown de Cook Worldwide Limited en date du 27 mars 2006, adressé à Margaret Elliott de la société indépendante de service de conseil, CITAC Africa, on se rend bien compte que Rendor Overseas S.A est actionnaire de Allstar Consultancy Services Limited en vertu d’une déclaration de fiducie- la fiducie est un contrat par lequel une personne (le constituant) transfère tout ou partie de ses biens à une autre personne (le fiduciaire), à charge pour celui-ci d’agir au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires-de Patrick Achi. « Chère Margaret, ALLSTAR CONSULTANCY SERVICES LIMITED, Numéro d’entreprise : 83 884 B, Date de constitution en société : 1er décembre 1998, Siège social : Winterbotham Place, Marlborough & Queen Streets, P.O. Box CB11343, Nassau, Bahamas ; Administrateurs : M. Andres Maximino Sanchez, Mme Moira Itzel Guevara Mc Alman, Secrétaire : M. Andres Maximino Sanchez ; Actionnaire : Rendor Overseas S.A. détient des actions en vertu d’une déclaration de fiducie en faveur de M. Patrick Jérôme Achi. Nous avons le plaisir de joindre les documents suivants concernant la société des Bahamas susmentionnée pour vos dossiers : Certificat original d’incorporation ; Copie reliée du Mémorandum et des Articles d’Association ; Original du certificat d’action et de la déclaration de fiducie ; Procès-verbal des souscripteurs nommant le premier directeur et le secrétaire ; Autres procès-verbaux de la société ; Copie de la résolution estampillée confirmant le transfert du siège social/de l’agent ; Copie du registre de la société ; Sceau de la société. Nous constatons que le procès-verbal du 1er décembre 1998 n’est pas signé. Veuillez faire en sorte que Richard le signe et nous renvoie une copie signée afin de compléter le dossier. Nous espérons que tout est à votre satisfaction, cependant, si vous avez des questions concernant ce qui est joint, n’hésitez pas à me contacter. Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués », écrit-il dans son courrier. Mais que faut-il entendre par fiducie ? La fiducie résulte d’un acte par lequel une personne, le constituant, transfère son patrimoine à un autre patrimoine qu’il constitue, des biens qu’il affecte à une fin particulière et qu’un fiduciaire s’oblige, par le fait de son acceptation, à détenir et à administrer. Dans un autre courrier datant du 8 juillet 2005 et adressé à Overseas Company Registration Agents Limited (OCRA), celui-ci manifeste son désir de transférer la gestion et l’administration de sa société au cabinet d’avocat Aleman, Cordero, Galindo & Lee (Bahamas) Limited. Dans ce courrier, il confirme également Rendor Overseas S.A comme l’actionnaire.
ALLSTAR TRANSFER LETTER-1
« Messieurs, Re : Allstar Consultancy Services Limited – Bahamas. Nous souhaitons transférer la gestion et l’administration de la société susmentionnée aux Bahamas. Veuillez désigner Aleman, Cordero, Galindo & Lee (Bahamas) Limited comme nouveau siège social et agent résident de la société susmentionnée. Les coordonnées des nouveaux agents sont les suivantes : Aleman, Cordero, Galindo & Lee (Bahamas) Limited Winterbotham Place Marlborough & Queen Streets B.P. CB 11.343 Nassau, Bahamas. L’OCRA doit mettre en route ses directeurs et secrétaire désignés et nommer à leur place les personnes suivantes : Directeur/Secrétaire :M. Andres Maximino Sanchez Adresse Amelia Denis de Icaza Bda 9 de enero, Sector I, Casa 131 ; San Miguelito, Panama ; Directeur : Mme Moira Itzel Guevara Mc Alman, Adresse : Villa Guadalupe, Calle M Casa 1619 Panama, République du Panama. OCRA sont tenus de transférer les actions de leur actionnaire nominé à : Rendor Overseas S.A. 2ème étage, Swiss Bank Building East 53rd Street, Marbella, Panama City, République du Panama. Veuillez transmettre vos dossiers concernant la société à Richard Cook, Cook Worldwide Limited, 2nd Floor, Berkeley Square House, Berkeley Square, London W1J 6BD. Si vous avez des questions concernant le transfert de la société, veuillez contacter Margaret Elliott à l’adresse électronique margaretelliott@citac.com. Nous vous remercions de votre aide dans cette affaire. Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués », écrit Patrick Achi. En somme, il préfère rester dans l’ombre et utiliser Rendor Overseas S.A. comme prête-nom.
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Glover Park Group sollicitée par Patrick Achi
Alors qu’il était Secrétaire général de la Présidence, il sera à la manœuvre dans la conclusion d’un accord de consultation entre la Présidence de Côte d’Ivoire et la société Glover Park Group, une société américaine en septembre 2020. Pourquoi le choix de cette société par Patrick Achi et quel rôle Allstar Consultancy Services Limited a joué dans la conclusion de ce contrat ? Difficile d’apporter une réponse à ces questions. Mais en guise de rémunération pour les services consultatifs sollicités par la Présidence, cette institution a versé à Glover Park Group des honoraires totaux de 303 188 dollars US, soit 170 983 860 francs CFA. Mais ce n’est pas tout. « La Présidence paiera également à GPG, sur réception des factures de GPG (i) pour les coûts de tous les projets de production et de recherche approuvés, ces montants étant basés sur les budgets établis pour ces projets, (ii) pour les coûts de tous les frais de développement, de démarrage et de maintenance continue des sites Web approuvés, ces montants étant basés sur les budgets établis pour ces projets, et (iii) pour le développement de la production, et le placement de publicités payantes, la commission standard de GPG sur les achats médias, laquelle commission est de 15 % des dépenses médias brutes », lit-on dans l’accord de consultation, en guise d’ honoraires supplémentaires. Comme on le constate, la consultance semble la chasse gardée de ce dernier. Derrière son activité de consulting, faut-il craindre un risque de l’évasion fiscale ?
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L’évasion fiscale coûte cher à la Côte d’Ivoire
« Selon Tax Justice Network dans un rapport publié en novembre 2020 la Côte d’Ivoire perd 237 millions de dollars par an, lesquels se dirigent vers les paradis fiscaux », a indiqué Julien Tingain, Responsable de l’Ong Initiative pour la Justice Sociale, la Transparence et la Bonne Gouvernance en Côte d’Ivoire (Social Justice). Se prononçant sur le bien-fondé de la création de société offshore par des autorités étatiques et politiques, celui-ci explique : « Même si la création d’une société dans un paradis fiscal n’est pas illégale en Côte d’Ivoire, cela remet tout de même en question les valeurs d’éthique et de responsabilités de ces autorités publiques vis-à-vis des citoyens à cause de ce qu’elles représentent pour le pays. Une entreprise créée, ce sont des emplois créés, des familles sorties de la pauvreté et une croissance économique conséquente. En plus de la dimension éthique, cette situation pourrait ternir la volonté politique du gouvernement relative au développement et à la réduction de la pauvreté tant prônés. Il est difficilement compréhensible que dans un pays comme la Côte d’Ivoire où au moins 43% de la population vit sous le seuil de la pauvreté, des hauts responsables, au nom du profit, préfèrent payer des impôts dans un autre pays que le leur (leur pays) causant ainsi des pertes fiscales énormes qui grèvent le développement du pays ». Toujours selon Julien Tingain, les sociétés offshores constituent un risque potentiel pour l’évasion fiscale et le blanchiment de capitaux. « Les entreprises créées dans les paradis fiscaux sont sous leurs juridictions. Par conséquent, ces entreprises ainsi que leurs transactions échappent au contrôle des Etats d’origine des propriétaires de ces entreprises. Ce qui constitue une entrave à la transparence des flux financiers de ces entreprises vers des partenaires ou clients. L’opacité entourant la création d’entreprise et l’investissement dans les paradis fiscaux sont des facteurs de risques énormes d’évasion fiscale et de blanchiment de capitaux dans la mesure où les informations sur les propriétaires sont fortement dissimulées et l’origine des fonds investis est le plus souvent difficilement traçable », explique-t-il. Face à ce problème, il dénonce le caractère confidentiel de la déclaration de patrimoine en Côte d’Ivoire. Avant de proposer « la prise en compte des propriétaires réels et la publication d’un registre de propriété réelle et de la déclaration des patrimoines peut donner plus de sens à cette loi et contribuer à plus de transparence. »
Le silence troublant de Patrick Achi
En vue d’avoir la réaction du Premier ministre, bénéficiaire effectif de la société offshore Allstar Consultancy Services Limited, nous avons mené plusieurs démarches qui se sont avérées infructueuses. Le 7 septembre 2021, un message envoyé via WhatsApp à ce dernier est resté sans réponse. « Bonjour Monsieur le Premier Ministre, Je suis Noël Konan, Journaliste… Je me permets de vous écrire dans le cadre d’une enquête internationale que nous menons avec des partenaires américains sur les questions d’évasion fiscale. Dans le cadre de cette enquête, nous avons découvert que vous êtes propriétaire d’une entreprise offshore basée aux Bahamas du nom de Allstar Consultancy Services Limited. Par souci d’équilibre et de vérification de l’information, nous souhaiterions vous rencontrer pour avoir votre version des faits sur l’existence de cette société offshore », avons-nous écrit à Patrick Achi. Face à son silence, le Consortium international des journalistes d’investigation a également adressé le 13 septembre un courrier à celui-ci. Il est ainsi libellé : « Monsieur le Premier Ministre, Les règles de notre métier nous faisant obligation, nous venons par le présent courrier, solliciter votre réaction dans le cadre d’une enquête internationale que nous menons, avec des partenaires américains, sur les questions d’évasion fiscale et de blanchiment de capitaux. Nous examinons de nombreuses relations commerciales avec la participation de diverses juridictions, sociétés et personnes offshore dans le monde. L’enquête est basée sur de multiples sources d’informations, y compris des documents sur des sociétés offshore et des clients du monde entier, y compris vous. Bien qu’il existe des utilisations légales des sociétés offshore, les paradis fiscaux présentent un intérêt public important en raison de l’utilisation fréquente de ces juridictions pour se livrer à des activités illicites.
En effet, il ressort des documents en notre possession que vous seriez, en tant qu’une personne politiquement exposée (PEP), propriétaire d’une société offshore, dénommée Allstar Consultancy Services Limited et basée aux Bahamas. En vue de vous permettre de réagir à cette découverte, nous avons un certain nombre de préoccupations, résumées dans les questions suivantes, à vous soumettre :
1) Quelle est l’activité de Allstar Consultancy Services Limited, créée en décembre 1998 ?
2) Au moment de créer cette société dont vous êtes le propriétaire, vous étiez conseiller auprès du ministre l’Energie. Avez-vous donc déclaré à l’équipe votre intérêt dans la société offshore pendant votre activité politique?
3) Selon des documents que nous avons consultés, vous avez choisi de détenir vos actions à travers un système fiduciaire, à Rendor Overseas S.A. qui détenait vos actions sous « declaration od Trust in favor of Mr Patrick Jérôme Achi. »
Cette structure voulait dire que votre nom n’apparaissait pas dans de documents officiels. Pourquoi avez-vous choisi de structurer votre société offshore pour que votre nom soit plus caché ?
4) Quels sont les liens qui existent entre le Cabinet Strategic and Management Consultant (SMC) dont vous êtes associé gérant, fondateur et gérant et Allstar Consultancy Services Limited ?
5) Vous disposez d’un compte bancaire à Londres, précisément à BARCLAYS Bank PLC, cet établissement bancaire est-il au courant de votre statut de personne politiquement exposée (PEP) ?
6) Avez-vous déclaré votre activité de consultance au fisc ivoirien et en quelle année ?
7) Avez-vous, lors de la déclaration de votre patrimoine, auprès de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG) déclaré l’existence de votre société Allstar Consultancy Services Limited ?
8) Qu’est-ce qui a motivé en juillet 2005 le transfert de la gestion et l’administration de Allstar Consultancy Services Limited au cabinet Aleman, Cordero, Galindo & Lee Limited? Notre requête étant guidée par le principe de l’équilibre de l’information, une réaction de votre part, nous obligerait. Convaincu de l’intérêt que vous accordez à notre démarche, nous vous prions de croire, Monsieur le premier ministre, en l’expression de notre profond respect », écrit Will Fitzgibbon, membre de ICIJ. Le Premier ministre est resté indifférent face à ce courrier. Un courrier de relance envoyé par ICIJ le 23 septembre à l’un des conseillers du Premier ministre a subi le même sort. On a tout compris, Patrick Achi aime vraiment la discrétion.
Par NOËL KONAN pour www.enquetemedia.org
Avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) dans le cadre du projet Pandora Papers impliquant plus de 600 journalistes issus de 150 médias dans 117 pays et territoires qui ont exploité près de 11,9 millions de dossiers confidentiels provenant de cabinets d’avocats et de prestataires de services offshore.
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