Naissance de Jésus Christ : La fête de Noël déchristianisée ? Pr Blé Raoul en parle
Dans un monde où les traditions sont de plus en plus reléguées au second plan, où les modes se succèdent, la fête de Noël, curieusement, jouit encore, chaque année, d’un panache énorme. J’ai vu au marché d’Adjamé, d’Abobo, de Marcory, et d’ailleurs des pères Noël chaudement habillés, et qui paradaient dans tous les sens entre « sueurs et sourires » car il faut bien gagner sa vie!
Mais, de nos jours, qu’est-ce qui explique encore cet engouement pour Noël ? La dimension religieuse, commerciale ou la légitimation de la fonction familiale?
Pour les chrétiens, Noël est l’occasion de revivre symboliquement la naissance de Jésus. Il est important de savoir que les écritures évangéliques ne sont pas des vues de l’esprit mais qu’elles témoignent de véritables faits historiques.
Dans sa générosité profonde et démesurée, Dieu a fait venir son fils sur terre pour habiter nos péchés! Accorder donc de l’importance à la Fête de Noël, c’est Lui être reconnaissant. C’est surtout se souvenir de tout ce qu’IL a fait pour l’humanité!
C’est pourquoi, les véritables pratiquants regrettent que la Fête de la naissance de Jésus ait quelque peu perdu son caractère spirituel qui devrait inviter chacun-e- (de nous) à s’inscrire résolument dans la lumière divine!
Pour d’autres, il s’agit d’une opportunité commerciale en lien avec l’ordre capitaliste qui tente de déchristianiser progressivement, avec force marketing, l’événement!
Malgré tout, Noel est bel et bien restée une fête religieuse chrétienne mais qui souffre aujourd’hui d’un fort aspect commercial qui l’environne et qui provoque un paradoxe car « donner, offrir, partager » sont des actes nobles qui permettent aux croyants de dépasser leur égoïsme. Mais les dépenses faramineuses, sous le prétexte de fêter Noël, profitent surtout aux multinationales dont les propres employés, aux salaires insignifiants, ont du mal à joindre les deux bouts. C’est ce qui fait dire à Karl Marx que «le capitalisme est la domination des forces du capital sur les forces du travail».
Quant à la dimension festive qui nécessite beaucoup d’argent, elle devient gênante même si les gens ont le droit de disposer de leur avoir comme bon leur semble. En Côte d’ivoire, il est même courant de voir certains de nos concitoyens prendre l’avion en décembre rien que pour aller faire quelques emplettes à Paris, Londres ou à New-York. Tout comme des parents miens quittent aussi Ouragahio, Guiberoua, Todiognoa, Ménékré, Dikouéhipalégnoa, Guéménédou, pour venir faire des achats à Abidjan.
Les gens préfèrent gaspiller leur argent sans se soucier du voisin malade ou qui peine à nourrir sa famille et dont les enfants n’auront même pas droit à des semblants de jouets coûtant une somme dérisoire. Même les plus nantis, parmi nous, ignorent les nombreuses associations caritatives qui, à travers le pays, cherchent des ressources pour aider nos semblables qui sont dans le besoin ou dans le désarroi!
Malgré les aléas de la vie, cette fête sera toujours d’actualité parce qu’elle symbolise la famille élargie ou nucléaire qui se retrouve pour consolider dans la Foi, l’amour à partager ou à recevoir, dans le bruit heureux des enfants. Ou même, elle offre l’occasion de régler les conflits internes dans la fratrie. C’est aussi la connexion des générations qui se retrouvent. Dans ce sens, cet événement est à la fois un passeur et/ou un marqueur du lien social. C’est important de signaler cette conscience que certains membres d’une famille ont d’eux- mêmes de pouvoir se retrouver, alors que nous sommes dans une société devenue de plus en plus individualiste!
Il ne m’appartient pas de me prononcer en théologie, mais je sais assurément que ce qui caractérise l’état d’esprit des gens qui croient en Dieu, – toutes les confessions confondues- c’est l’aspiration à la fraternité, à la justice, au bonheur, à la liberté dans un monde de paix. Quant à nous les chrétiens, que voulons- nous en cette période de Noël ? Que la naissance de Jésus transforme la Côte d’Ivoire en une Terre nouvelle où s’établiront entre tous les habitants des rapports nouveaux fondés sur le respect, la fraternité et l’épanouissement de la personne humaine. Une Côte d’Ivoire qui verra s’enrichir le patrimoine spirituel constitué par la Foi de chacun-e-!
S’il est vrai que cette fête connait désormais une laïcisation évidente du fait des dimensions festives et commerciales, force est de reconnaitre qu’elle est durablement enracinée en l’idéologie chrétienne.
Elle compte parmi les phénomènes sociaux ayant atteint un haut niveau d’universalité. C’est ce qui fait dire aux Ivoiriens, de manière triviale, « y a Dieu dedans »! Alors JOYEUX NOËL dans la paix à nous tous!
Raoul Germain BLÉ
Professeur Titulaire en Anthropologie de la communication, UFHB de Cocody;
HDR des Universités françaises
Ancien Directeur -élu- du CERCOM
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