Marahoué/Route, éducation, autonomie des jeunes et des femmes : Zamblé Bi Zéphirin donne les grandes lignes du développement
Trois ans après son élection à la tête du Conseil régional de la Marahoué, le Président Zamblé Bi Zéphirin dit « 5Z », s’est livré à la presse. Dans cet entretien accordé aux médias, le patron de la Marahoué a fait connaître les grandes orientations de sa politique de développement en matière de route, d’adduction d’eau potable, d’électrification, d’éducation, de l’autonomie des jeunes et des femmes. Interview.
Monsieur le président vous sortez de la quatrième session ordinaire du conseil, quelles ont été les grandes décisions arrêtées pour booster le développement de la Marahoué ?
Merci messieurs les journalistes ; effectivement nous avons tenu notre réunion ordinaire, la 4è au titre de l’année 2021. Et cette réunion nous a permis de finaliser le draft de notre budget qui a été adopté à l’unanimité des conseillers régionaux. Cette réunion était importante pour nous parce que depuis trois ans que nous sommes aux affaires au niveau de la Marahoué, nous avions voulu toujours avoir notre budget en année n pour aller en année n+1. C’est pour cela que cette réunion nous l’avions voulu à cette date afin de pouvoir soutenir notre budget début décembre et l’avoir disponible en début d’année 2022 afin de pouvoir véritablement finaliser tous les projets au titre de l’année 2022. Car notre souhait, c’est de pouvoir exécuter tous les projets inscris au titre de l’année 2022 et les mettre à la disposition des populations. Et donc vous comprenez que le point clé de cette session ordinaire a été le budget qui a été adopté. Le reste nous avions eu à donner des informations.
Effectivement au titre des informations, vous avez parlé d’acquisition de machines ; pouvez-vous nous en dire plus ?
Ces machines sont des acquisitions du Conseil régional de la Marahoué. Depuis 2019, nous avons voulu ces machines là ; et pour ce faire, nous avons mis en place un comité technique de cadres issus du conseil régional et ces cadres, qui sont des sachants, car la plupart sont des ingénieurs des travaux publics, nous ont conseillé sur ces machines. Ces machines ont pour rôle de nous aider à résoudre l’épineux problème des routes de la Marahoué. Nous avons 2600 kilomètres de routes rurales dans la Marahoué et le budget que nous avons ne peut rien faire pour que nos populations aient un peu de route. Nous sommes en pleine expérimentation et nous osons espérer que 2022 sera l’année de test grandeur nature. Et cela nous permettra d’affiner nos décisions et orientations en matière de reprofilage de route pour le bonheur de nos populations.
Avez-vous acquis combien de machines ?
Nous avons acquis quatre (4) machines : nous avons un bulldozer. Pour quoi un bull ? Cela parce qu’il y a des voies qui n’ont jamais été traitées il y a 25 voir 30 ans. Elles sont devenues des sentiers et même les tricycles ne peuvent même pas avoir accès à ces villages. Donc pour ces cas, ça sera des ouvertures de voies avec les bull. ensuite nous avons acquis une niveleuse qui est la machine standard pour reprofiler les routes, notamment le reprofilage léger. Aussi, nous avons acquis un compacteur et une chargeuse-pelteuse pour les travaux de reprofilage ; parce qu’il arrivera des moments où dans certaines zones très marécageuses, nous serons obligés d’apporter de la terre, à savoir creuser, ensuite avoir le bon sol, apporter de la terre granulée et puis compacter pour que les engins, les véhicules puissent passer. Et surtout s’assurer de la durabilité des travaux. Nous pensons que les tests qui sont entrain d’être effectués sont encourageants. En deux semaines ce sont 25 kilomètres de pistes rurales qui sont reprofilées. Pour le moment nous ne pouvons pas faire de bilan mais nous savons ce que ça nous a coûté en termes de carburant. Nous verrons en une année entière ce que cela fera en carburant, de filtre, de pièces détachées etc. le ramener à un ratio par kilomètre. Nous pensons que ça sera très bon mais nous aurons les vrais chiffres lorsque les tests grandeur nature démarreront.
Que retenir du secteur éducation-formation où on vous a entendu apporter quelques bonnes nouvelles.
Le secteur éducation-formation est un gros dossier. C’est dossier très très important parce que c’est la vie de la nation, c’est la vie et l’avenir de nos enfants. Nous avons 30% de l’effectif au niveau du primaire qui est dans des écoles paillotes. Qui travaillent dans des conditions très difficiles. Quand il pleut ces enfants ne vont pas à l’école. Il y a la question de sécurité ; les enseignants dans des conditions inqualifiables. Comment espérer avoir des résultats dans de telles conditions. Nous qui sommes là, si nous étions allés à l’école dans de telles conditions ce n’est pas sûr que nous soyons là à la tête de cette région. Donc nous avons un devoir de redevabilité vis-à-vis de ces enfants ; nous devons faire quelque chose. Malheureusement le budget mis à disposition est ce qu’il est déjà. Mais si nous nous limitons au budget pour dire qu’il n’est pas suffisant et que nous ne faisons rien nous sommes en faute. Sur ça je suis formel, même si le budget n’est pas suffisant nous avons le devoir de dire aux gouvernants, au Président de la République, voilà le budget mis à notre disposition et voici la réalité du terrain que nous vivons et que par rapport à la situation de l’éducation si nous ne faisons rien ces enfants seront sacrifiés. Chaque année il y aura un lot d’enfants qui sera sacrifié. Nous sommes en Côte d’Ivoire, à l’ère d’internet ce n’est pas acceptable que des enfants acquièrent le savoir dans de telles conditions. Nous-mêmes au démarrage de la Côte d’Ivoire nous n’avons pas travaillé dans de telles conditions.
Alors nous avons fait le point, un point chiffré. Pour l’école primaire et le collège en plus du déficit en tables-bancs c’est un budget d’au moins 20 milliards de FCFA. Ce même travail de planification nous sommes entrain de le faire pour les secteurs de la santé et de l’hydraulique. Nous avions fait pour l’électricité en 2019. Nous avions eu beaucoup d’échanges avec Ci-Energies et la Cie. Aujourd’hui avec l’appui du Chef de l’Etat beaucoup de villages sont entrain d’être électrifiés. C’est notre de signaler car il y avait plus de 100 villages qui n’étaient électrifiés et nous ne pouvions pas les satisfaire sur notre budget. C’est de notre responsabilité de porter cela à la connaissance des hautes autorités afin de soulager ces villages avec leurs populations. Aujourd’hui le gouvernement nous a accordé 61 écoles primaires soit 360 salles de classe plus 61 bureaux pour les enseignants et 16 collèges. C’est une grande bouffée d’oxygène. Il nous reste encore 1200 salles de classe en paille à résoudre. Mais avec ce que nous venons d’acquérir c’est un bon début déjà. Si le gouvernement a commencé nous pensons que les années à venir seront meilleures et cette épineuse question sera derrière nous.
Il y a une bouffée d’oxygène avec les 61 écoles primaires et 16 collèges acquis. Pour les 1200 salles de classe restantes allez-vous soumettre ce dossier à des partenaires extérieurs par le biais de la coopération décentralisée ?
Nous nous tournons vers tout le monde pour résoudre cet épineux problème. Maintenant que nous avons un dossier nous nous tournons vers tout le monde. Nous ne pouvions pas aller à l’extérieur sans d’abord soumettre le dossier au gouvernement. Parce que un tel dossier vous le présentez à l’extérieur la première question que l’on vous posera c’est de dire que dit votre pays, vos gouvernants. Aujourd’hui nous pouvons dire aux Bailleurs et autres partenaire ce qu’a fait le gouvernement ; les entreprises sont choisies pour la construction desdites écoles. Donc nous sommes aujourd’hui plus sereins pour soumettre ce dossier à des partenaires et autres bailleurs qui voudraient bien nous accompagner.
Monsieur le Président si l’éducation est en première ligne des préoccupations, il n’en demeure pas moins que, l’autonomie des jeunes et des femmes, constitue un enjeu majeur pour l’institution régionale.
Il faut dire que nous avons mis à disposition des jeunes et des femmes un fonds qui est inscrit dans le budget 2021. Ce fonds sera renforcé au budget 2022 que nous venons d’adopté. Mais au-delà de ces fonds c’est tout un travail que nous devons faire. celui de la formation des jeunes et des femmes afin qu’ils changent de mentalité et qu’ils croient en eux. Tout le monde n’est pas entrepreneur et donc leur donner des fonds ne signifie que tous vont réussir dans les affaires. Donc il faut les préparer. Nous avons une jeunesse paysanne, qui travaille avec la machette. Cette jeunesse aujourd’hui ne croit pas que la terre peut les enrichir. Pour les emmener à reprendre espoir et croire qu’ils peuvent réussir avec la terre, nous allons expérimenter avec eux des champs écoles. Où sur des superficies de 2, 3 ou 5 hectares, ils verront, avec les nouvelles techniques culturales, leurs productions de riz, de maïs et autres se multiplier par deux voir trois. Donc nous avons acquis des budgets pour cela. Avec le bull que nous avons acquis, il y aura des ouvertures de voies qui iront jusqu’aux champs écoles où se feront la formation. Quand on construit un immeuble on commence par la fondation. Donc pour nos jeunes, on commence par la formation avec les champs écoles. Nous devons donner la base à nos jeunes. Car ces jeunes et ces femmes dont nous parlons ne sont pas dans l’économie. Ils représentent environ 70%. En Côte d’Ivoire lorsque vous êtes en dessous du Smig vous n’êtes pas dans l’économie. Or nos jeunes et femmes qui sont dans nos villages sont fortement en dessous du Smig. Donc nous ambitionnons de les faire entrer dans l’économie dans la région de la Marahoué.
A vous entendre c’est un gros challenge monsieur le président.
C’est un gros challenge que nous devons relever avec toute la population. Les cadres étant l’élite de la région nous allons appeler les cadres afin que nous puissions réfléchir sur l’avenir de la région. Ce que nous avons acquis comme machines, pour quoi on l’acquis, qu’est ce qu’on veut en faire, tout ça il faut que nous en parlions avec les présidents de mutuelle de développement. Et comme ils ne viennent pas très souvent aux sessions, nous avons crée une structure dénommée « Mutuelle pour le développement de la région de la Marahoué ». Cette mutuelle créée sera le prolongement des actions du Conseil dans la diffusion des informations, dans la formation, dans la prise de conscience de se mettre ensemble, de vouloir travailler ensemble sur l’avenir des jeunes et femmes. C’est un projet ambitieux, c’est un projet pour lequel nous ne dormons pas mais nous y croyons. Nous croyons en ce projet c’est pour cela nous voulons mener des actions concrets avec l’acquisition des machines, la création des champs écoles ; nous sommes entrain de faire le point sur l’hydraulique ; nous avons trouvé des solutions pour remplacer les pompes villageoises manuelles par des pompes électriques avec des débits trois fois supérieurs à ce qui existe. Nous sommes en phase expérimentale avec une vingtaine de pompe électrique. Nous irons jusqu’à 60 pompes sur les 1200 pompes que compte la région. C’est encore peu mais ça nous donne une idée de ce que nous pourrions demander aux partenaires et au gouvernement ivoirien.
Beaucoup de projets ambitieux, beaucoup d’investissement à faire mais vous êtes confrontés au souci de recouvrement des taxes comme vous l’évoquiez au cours de la session.
Oui, j’ai longtemps parlé de cela. Vous savez lorsque vous n’êtes pas aux affaires vous critiquez pour dire si je suis là, dès que j’arrive, les taxes c’est sûr que ça va doubler, ça va tripler. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas travaillé là-dessus ; nous avons fait des réunions, nous avons tourné cette question dans tous les sens mais ça n’avance pas. Donc là la décision prise c’est de faire aider par les professionnels. Et ces professionnels ont déjà fait leurs preuves ailleurs ; des régions qui tâtonnaient comme nous dans la collecte des taxes ont vu leur situation à ce niveau s’améliorer. Réellement la collecte des taxes n’est pas notre métier ; nous, nous prenons des collecteurs et des superviseurs et il y a des gens en interne qui les encadrent. Nous avons des marchés hebdomadaires qui rapportent 5000 FCFA comme taxe ; dans le mois ça fait 20 000 FCFA. ceux qui collectent ils ont un pourcentage dans les 20 000 F, leurs patrons que sont les superviseurs eux roulent à moto pour le contrôle ils ont leur part dans les 20 000 F. nous ne pouvons pas continuer comme cela. car nous sommes conscients que les taxes bien collectées peuvent nous aider. Nous sommes à la recherche de financement auprès du gouvernement, des partenaires mais ce qui est à notre portée, il faut qu’on puisse bien gagner cela. C’est pour cela que nous avons signé un partenariat avec « Net collect » qui travaille beaucoup avec les mairies déjà et certaines régions. Nous espérons qu’avec eux notre rêve de voir nos taxes triplés se réalisera.
Quel message aux populations ?
Je dirai à nos populations qu’elles ont une région très riche. Ici dans la Marahoué il pleut suffisamment pour faire tout type d’agriculture. Nous avons deux fleuves ; c’est la seule région qui est traversée par deux grands fleuves à savoir Bandama Blanc et Bandama Rouge. Et ces deux fleuves se rejoignent dans la Marahoué, ont leur embouchure dans la Marahoué et continu avec un fleuve le Bandama. Dans cette région il y a énormément de bas-fond, il y a énormément de rivière et nous avons une végétation qui n’est pas trop dense. Nous avons un sous sol très riche. Nous avons l’or et l’une des plus grandes entreprises minière, australienne est ici en exploitation dans le Yowrê. C’est une région qui a une forte population. Nous sommes largement au-dessus du million d’habitant ; puisqu’avec le recensement 2014, nous étions un plus de 900 000 habitants. Cette forte population est à 60% jeune. Imaginez que cette population de jeunes est mise au travail, rentre dans l’économie, voyez ce que cela peut nous apporter dans la Marahoué. C’est sur cette fondation que nous sommes entrain de travailler pour l’avenir de notre région.
Interview réalisé à Bouaflé par
JEAN PAUL LOUKOU (Le Nouveau Réveil)
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