ENTRETIEN – Au Sénégal, le travail des agences des Nations Unies a un impact réel sur la vie des populations
Le Coordonnateur résident des Nations Unies au Sénégal, Siaka Coulibaly, a sillonné récemment les régions de Saint-Louis et Matam situées au nord du pays. Une visite riche d’enseignements, a-t-il expliqué dans un entretien effectué à la suite de sa visite.
NEW YORK, USA, le 13 Janvier 2022,-/African Media Agency (AMA)/-Depuis sa nomination par le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, le 2 octobre 2020, Siaka Coulibaly, n’avait pas encore eu l’opportunité de sillonner les régions du Sénégal en compagnie de l’Equipe Pays, à cause des restrictions liées à la Covid-19.
Au cours d’un entretien, il est revenu sur la visite conjointe, qui a eu lieu du 15 au 19 novembre 2021, et sur comment, tous ensemble, l’Équipe Pays du Système de Nations Unies (UNCT) est en mesure de mieux soutenir les populations et d’accompagner les efforts du Sénégal pour la réalisation de ses priorités de développement ainsi que l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD), notamment dans les zones rurales du nord du pays. ONU SénégalLe Coordonnateur résident des Nations Unies au Sénégal, Siaka Coulibaly a sillonné du 15 au 19 novembre dernier en compagnie de l’Equipe pays, les régions de Saint Louis et Matam situées au nord du Sénégal.
ONU Sénégal : Les régions de Saint-Louis et de Matam sont des zones transfrontalières, qui ont accueilli de nombreux réfugiés mauritaniens. Pouvez-vous parler de vos interactions avec la population locale lors de votre visite ? Que signifiaient-elles, vos interactions, pour vous personnellement ? Quel type de soutien est nécessaire de la part des Nations Unies pour assurer l’intégration des communautés ?
Siaka Coulibaly : La mission conjointe que l’Equipe Pays a mené dans le nord du Sénégal, à Saint-Louis et Matam a été la première à laquelle je participais depuis ma prise de fonction et surtout les restrictions imposées par la Covid-19. Je dois avouer que malgré l’expérience que j’ai de ce genre de mission dans mes fonctions précédentes, celle-ci a été à un titre personnel, très riche d’enseignements. Les deux régions visitées constituent, étant donné leurs positions géographiques, des terres de métissage et de brassage, où se côtoient plusieurs cultures, wolof, peulh, soninké, maure, Toucouleur, etc. Ces populations ont un lien d’autant plus fort, que le fleuve Sénégal, qui sépare le nord du pays à la Mauritanie, est le lien qui les unit et qui impacte les activités économiques, de l’agriculture à l’élevage, en passant par le commerce, mais également la paix et la sécurité.
C’est très réconfortant et gratifiant de constater comment le travail de nos agences, contribue concrètement à renforcer l’harmonie entre les deux populations et à impacter positivement la vie de communautés vulnérables comme les réfugiés Mauritaniens
Il faut rappeler qu’à la suite d’évènements malheureux entre le Sénégal et la Mauritanie en 1989, beaucoup de ressortissants Mauritaniens, Wolofs, Peulhs, Toucouleurs, Soninkés et Maures noirs, se sont retrouvés réfugiés dans ces deux régions.
Aujourd’hui, la majorité d’entre eux n’est jamais retournée et a fondé une famille au Sénégal, certains conservant un statut de réfugié et d’autres ayant terminé ou entamé un processus de naturalisation avec le soutien de l’Etat et d’agences du Système des Nations Unies comme le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
J’ai été particulièrement heureux de constater que les populations sénégalaises et les réfugiés vivent en parfaite harmonie, à travers une vraie intégration visible à travers les liens de mariage entre les deux communautés une solidarité réelle. Les deux populations nous ont réservé un accueil mémorable qui restera gravé dans ma mémoire, en particulier les femmes des deux communautés.
Je dois dire que c’est très réconfortant et gratifiant de constater comment le travail de nos agences, contribue concrètement à renforcer l’harmonie entre les deux populations et à impacter positivement la vie de communautés vulnérables comme les réfugiés Mauritaniens. Par exemple dans la commune de Woudourou, un programme de HCR permet aux réfugiés d’accéder à la terre, grâce à une facilitation avec les populations locales, qui les mettent à la disposition des réfugiés pour des baux de 10 ans, leur permettant d’exploiter des parcelles cultivables, équipées de motopompes et de diguettes.
Aujourd’hui, les différentes communautés vivent en paix et les jeunes n’ont plus besoin de se livrer à l’immigration clandestine, car l’agriculture et l’élevage leur fournissent des revenus suffisants.ONU SénégalCertaines des populations dans le nord du Sénégal habitent dans des villages enclavés,
ONU Sénégal : Pouvez-vous décrire la difficulté d’atteindre ces lieux et réfléchir à ce que cela fait pour la population locale d’être si loin du centre du développement urbain ?
Siaka Coulibaly : Saint-Louis est à 256 km de Dakar et la route est plutôt bonne, en revanche Matam est à près de 600 km de la capitale et des travaux sont en cours sur certains tronçons pour leur réhabilitation. Certaines des populations que nous avons visitées habitent dans des villages enclavés, pas très éloignés des villes de Saint-Louis et Matam, mais très difficiles d’accès.
Par exemple, nous avons visité le poste de santé du village de Wassacodé, près de Matam. Avant son édification, les femmes faisaient plusieurs kilomètres en charrette ou à l’arrière de vélos pour accoucher, tandis que d’autres se résignaient à accoucher à domicile. Toutefois, à cause de ces conditions difficiles, renforcées par le manque de soin, beaucoup de vies étaient perdues, qu’il s’agisse des femmes ou des nouveaux nés.
Aujourd’hui, le poste de santé du village de Wassacodé appuyée par le Bureau Pays de l’UNFPA, en lien avec des organisations de la société civile, a changé la vie des femmes du village et des villages environnants, en leur évitant les risques des accouchements à domicile et de disposer d’une caisse de solidarité pour les urgences obstétricales.ONU Sénégalles régions de Saint-Louis et de Matam au nord du Sénégal ont un taux de scolarisation des enfants encore faible, en particulier en ce qui concerne les jeunes filles.
ONU Sénégal : Ces deux régions souffrent depuis longtemps d’un taux de scolarisation relativement faible des enfants, notamment des jeunes filles. Comment le travail conjoint des agences des Nations Unies contribue-t-il à augmenter le taux et à maintenir les enfants à l’école ?
Siaka Coulibaly : Les régions de Saint-Louis et de Matam ont un taux de scolarisation des enfants encore faible, en particulier en ce qui concerne les jeunes filles. Outre les causes structurelles, cela s’explique par la pauvreté, surtout dans les zones rurales, le chômage et l’immigration, en particulier des hommes, qui fait que beaucoup d’enfants sont retenus pour aider au travail de la maison, au champ, ou pour conduire le bétail.
Aussi, pour résoudre ce problème, l’UNICEF appuie plusieurs écoles de Matam dans l’installation de classes passerelles, qui intègrent plusieurs niveaux d’étude, pour lutter contre la déscolarisation en milieu rural, en particulier des jeunes filles. L’agence soutien également un projet en collaboration avec l’Inspection d’Académie, pour donner la chance aux enfants des daaras (écoles coraniques) de recevoir également les enseignements académiques de base.
Grâce au programme des cantines scolaires du Programme alimentaire mondial (PAM), des milliers d’enfants de la région de Matam, comme ceux l’école Ogo2 où nous nous sommes rendus, bénéficient d’un repas chaud quotidien. Ce programme a beaucoup contribué à la rescolarisation des enfants, en particulier des filles et l’absentéisme est à la baisse, tout en rehaussant le maintien des enfants à l’école, surtout ceux vivant dans des zones très reculées de l’école. ONU SénégalLe travail des agences du Système des Nations Unies au Sénégal a un impact positif réel sur la vie des populations, en particulier des jeunes et des plus vulnérables
ONU Sénégal : Les femmes et les jeunes sont des cibles prioritaires des Nations Unies au Sénégal. Comment l’ONU les a-t-elle soutenus dans les régions de Saint-Louis et Matam ?
Siaka Coulibaly : S’agissant des femmes et des jeunes, la mission m’a conforté dans la conviction que c’est en continuant de faire de leur autonomie une priorité, que nous nous réussirons à aider le pays à atteindre ses objectifs de développement. Il existe de véritables motifs d’espoir et la mission l’a démontré.
A Ross Bethio, j’ai été particulièrement marqué par le dynamisme des femmes, qui sont regroupées au sein du Réseau des Femmes Agricultrices du Nord, qui vise à promouvoir le leadership et l’autonomisation économique des femmes dans l’agriculture, soutenues par un projet conjoint d’ONU Femmes et de la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Ces femmes parviennent progressivement à l’autonomie grâce à la production de riz qu’elles sortent chaque année de leurs rizières, créant de l’emploi et évitant aux jeunes de tomber dans l’immigration clandestine.
A Saint-Louis nous soutenons les jeunes, entre autres, à travers une plateforme territoriale conduite par l’OIM, l’Organisation internationale pour les migrations, et financé dans le cadre du programme conjoint global OIM-PNUD – « Placer la Migration au service du développement durable ». Cet appui a permis la création et la mise en place d’un système d’information et d’orientation sur les possibilités d’emploi et de génération de revenus, qui permet à beaucoup de jeunes de la région de s’insérer professionnellement.
Un espace de santé a été créé et équipé dans de la Maison des Jeunes de Saint-Louis, avec un lot d’équipements (table gynécologique et lampe baladeuse), ainsi qu’une dotation annuelle en achat de médicaments grâce à l’appui d’UNFPA, le Fonds des Nations Unies pour la Population, facilitant la prise en charge médicale des adolescentes et des jeunes de manière générale, mais également des femmes.
Le Bureau Pays du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (’UNICEF) également en collaboration avec des partenaires, a initié un processus de consultation auprès des adolescent(e)s et des jeunes, qui encourage leur participation aux prises de décisions qui affectent leurs vies. ONU SénégalLe Coordonnateur résident de l’ONU au Sénégal, Siaka Coulibaly, en novembre dernier en compagnie de l’Equipe pays, les régions de Saint Louis et Matam situées au nord du Sénégal.
ONU Sénégal : Quelles leçons avez-vous tirées de cette mission commune ? Et comment renforcerez-vous la synergie entre les agences des Nations Unies pour les personnes sur le terrain ?
Siaka Coulibaly : Cette mission conjointe a été riche d’enseignements et une des principales leçons apprises est que le travail des agences du Système des Nations Unies au Sénégal a un impact positif réel sur la vie des populations, en particulier des plus vulnérables surtout dans les zones les plus reculées. Nous pouvons néanmoins avoir encore plus d’impact, en créant plus de synergie dans les interventions des agences sur le terrain. Qu’il s’agisse de Saint-Louis ou de Matam, la mission a montré de multiples opportunités d’interventions conjointes, sur des thématiques comme l’éducation, la santé, l’autonomisation des femmes, la migration, l’emploi, etc.
C’est à travers cette approche conjointe que nous optimiserons notre soutien au Sénégal dans la réalisation de ses objectifs de développement, mais également dans l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD), prenant en compte la localisation des ODD et le principe de Ne laisser personne pour compte. L’Equipe Pays travaille à renforcer cette synergie dans toutes les régions du Sénégal. Un projet conjoint sur la territorialisation des ODD est en cours avec les agences et facilitera l’intégration des ODD dans le Plan de Développement des Communes.
Entretien réalisé par le Bureau du Coordinateur résident des Nations Unies au Sénégal
Distribué par African Media Agency (AMA) pour ONU Info.
Source : African Media Agency (AMA)
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