Guerre du ‘‘faux-thon’’ en Côte d’Ivoire : L’Administration gagne, la grande peur des consommateurs !! (UFC-CI)

Jean-Baptiste Koffi, président de l’Union fédérale des consommateurs de Côte d’Ivoire (UFC-CI) a produit une contribution dont africanewsquick.net a eu l’exclusivité.
Pour le président de l’UFC-CI, «l’argent n’aime pas le bruit. Voilà une expression que va certainement bientôt comprendre si cela n’est pas déjà le cas, les opérateurs économiques du port de pêche appelés mareyeurs».

Il poursuit pour dire qu’«en effet, les bruits effectués par ces derniers (via la presse, les réseaux sociaux , divers courriers aux administrations etc.) depuis quelque temps sont parvenus au plus haut sommet, au point de voir divers services de l’administration publiques dépêchés pour ouvrir les yeux sur leur secteur d’activité pour mieux le comprendre et l’appréhender au regards des normes comptables, commerciales, financières, fiscales etc. en vigueur dans notre pays.»
Dans son explication, JB Koffi ajoutera que «le ton a été donné par la commission de la concurrence qui, au terme d’une série d’investigations dans le secteur, a conclu à l’existence de pratiques spéculatives dans la commercialisation du « faux-thon ». Selon la commission de la concurrence cette pratique spéculative désorganise le marché en renchérissant artificiellement les prix sur la chaine de distribution. Une telle information ne pouvait laisser le gouvernement sans réaction. Aussi, a-t-il été procédé par décret 2021-910 du 22 décembre 2021, au plafonnement du prix du kilogramme de ‘POISSON FAUX-THON’’ ou ‘’ POISSON GARGA’’ pour une période de six mois.»
Une décision saluée, selon lui, par toutes les organisations de consommateurs car en Côte d’Ivoire, l’attieké accompagné du poisson Garga est considéré comme la nourriture par excellence bénie de Dieu, car accessible à toutes les bourses. Ainsi sur Abidjan et dans un rayon de 300 km, le prix maximum du kilo de ‘’faux-thon’’ sur toute la chaine de distribution est établi comme suit :
-Des Armateurs aux Mareyeurs grossistes 400 Fcfa
-Mareyeurs grossistes aux Mareyeurs ½ grossistes 600 Fcfa
-Mareyeurs ½ grossistes aux détaillants 650 Fcfa
-Des détaillants Abidjan aux GARBADROME 850 Fcfa
Au-delà de 300 km, le prix maximum Ttc détaillants aux « Garbadromes » est de 900 Fcfa.
LE COURROUX DES ARMATEURS ET MAREYEURS
Il n’en fallait pas plus pour soulever le courroux des armateurs et mareyeurs qui trouvent ces prix à eux fixés par le décret de plafonnement intenable.
A la base, il faut rappeler que les Armateurs sont les propriétaires des navires de pêche de thon appelé thoniers. Le fruit de la pêche thonière est prioritairement destiné aux conserveries, qu’elles soient locales ou situées à l’étranger. Les poissons ne remplissant pas les normes fixées par les conserveries (minimum 1.5 kg) constituent ce qu’on appelle généralement le « faux-poisson ».

Détail important à savoir, malgré l’existence d’un marché local, l’armateur n’a aucune obligation d’écouler son stock de ‘‘faux-thon’’ sur le marché ivoirien. Localement le mareyeur grossiste agréé achète le poisson avec l’armateur pour le vendre au demi-grossiste agréé.
Le mareyeur demi-grossiste agréérevend son poisson au marchand de détail. Le marchand de détailrevend son poisson aux « Garbadromes » (Ndlr, lieux de vente au consommateur final).
UNE TRES BONNE AFFAIRE POUR NOTRE ADMINISTRATION
Autrefois, la vente de ‘‘faux-thon’’ qui se faisait directement entre Armateur (opérateur économique basé à l’étranger) et les Mareyeurs grossistes sans témoin et sans traces au niveau fiscal, financiers, bancaire etc. ne pourra plus se faire. Les représentants locaux des armateurs appelés consignataires, ont désormais l’obligation d’avoir un regard sur cette vente de ‘‘faux-thon’’, d’en encaisser les recettes et de transcrire cette activité dans leurs livres comptables.
Ces changements majeurs sont à mettre à l’actif de tout le bouquant des mareyeurs. En tout état de cause, c’est une très bonne affaire pour notre administration quand on sait que l’approvisionnement du marché ivoirien en thon se fait à coût de vingtaine de milliards par an.
L’argent qui circulait autrefois en dehors du circuit bancaire classique sera à nouveau injecté dans le circuit normal. Les opérateurs économiques étrangers (armateurs) qui faisaient de bonnes affaires en toute discrétion avec des mareyeurs grossistes seront certainement désormais imposés sur les chiffres d’affaires qu’ils réalisent en Côte d’Ivoire. Les services de contrôle du Trésor ont un motif supplémentaire pour diligenter les contrôles des comptes d’escales des navires thoniers etc. Bref une avalanche de recette pointe à l’horizon pour notre administration.
LA SERENITE N’EST PAS DE MISE CHEZ LES CONSOMMATEURS
Chez les mareyeurs, le temps des remords a dû certainement sonner.
Côté Consommateurs, premiers bénéficiaires annoncés de toutes ces mesures gouvernementales la sérénité n’est pas de mise et pour cause.
La grogne actuelle des armateurs peut se solder par un refus de ces derniers d’approvisionner le marché local et privilégier une exportation à la recherche d’une meilleure marge. Dans un tel scénario, il faut craindre que le déséquilibre de l’offre et la demande ne joue contre les consommateurs qui verront les prix prendre l’ascenseur.
Si chacune des parties (Armateurs et Etat) campent sur sa position, il faut craindre une fin anticipée des activités des mareyeurs qui vont certainement se convertir en importateur de poisson sous une autre forme qui reviendra forcément plus cher aux consommateurs.
Autre risque à ne pas écarter, il faut craindre qu’une révision des charges fiscales et douanières au niveau des activités des mareyeurs ne soit répercutée sur les consommateurs. Bref, pour ne citer que ces quelques cas, il est fort à parier que la guerre actuelle du ‘’faux-thon’’ ne se solde par une grande victoire de l’administration. Les mareyeurs y laisseront certainement des plumes mais les consommateurs risquent gros. Autant le dire, l’attiéké et le poisson Garba qui constituent la principale source d’alimentation des populations les plus défavorisées n’a jamais été aussi menacée dans notre pays.
Gilles Richard OMAEL
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