Village Yopougon Santè: Le nouveau chef désigné, des membres de la génération Dougbô mécontents

Que se passe-t-il dans nos villages ? Il y a dans plusieurs villages de la Côte d’Ivoire, depuis plus d’une décennie, des crises dans le choix des chefs de village. Les traditions ont-elles foutu le camp ?

Il a régné une ambiance de tension, mardi 6 septembre 2022, dans le village Santé, dans la commune de Yopougon. Et pour cause, l’autorité préfectorale organisait une consultation populaire, en vue de la désignation d’un nouveau chef du village issu de la génération Tchagba qui monte au pouvoir. Ce nouveau chef devrait succéder à Koko Aké Nicodème de la génération Dougbô sortante.

Durant environ 3 heures, des débats ont été menés. On a appris que la crise pour la désignation d’un nouveau chef dure depuis 2017, où des membres de la génération Tchagba ont commencé à réclamer le pouvoir qui devait leur échoir. Seulement, comme l’a signifié l’autorité préfectorale envoyée sur le terrain, durant 5 ans, des négociations ont été menées pour arriver à cette consultation.

De son côté, le doyen d’âge du village, Koutouan Biégoua Marcellin, s’est opposé au choix de la génération qui prend le pouvoir, au motif que les règles coutumières en la matière n’ont pas été respectées. De fait, à l’écouter, le choix du nouveau chef doit être adoubé par le doyen d’âge. Il a réclamé également que trois personnes soient désignées, en vue d’un choix entre elles. Selon lui, avant la présentation officielle, le doyen d’âge devrait faire la libation, une prière de bénédiction en pays Atchan qui donne l’onction et confie la gestion du village à celui qui en prend les rênes. Cela n’a pas été fait jusqu’à présent.

Le doyen Koutouan Biégoua Marcellin a été soutenu dans son argumentaire par le chef du village sortant, Koko Aké Nicodème. « Le doyen a dit exactement ce qui doit se passer, surtout dans notre village. Souvent, les raccourcis ne sont pas conseillés. Le doyen a aussi son mot à dire. Laissez-moi le temps de me reposer. Quand tu es dedans, tout ce que tu fais n’est pas apprécié », a-t-il confié.

De plus, il a reproché à la nouvelle génération, en plus de n’avoir pas respecté le processus traditionnel de désignation d’un chef, de désigner Daba Akré James Luther comme nouveau chef. Celui-ci est le descendant de personnes qui ont déjà gouverné ce village. De l’avis des personnes opposées, il faudrait une alternance entre les 7 familles que compte le village.

Dans cette ambiance tendue, Elie Aké, adjoint du chef sortant et membre de la famille, a abondé dans le même sens que ses aînés. « C’est vraiment dommage de tordre le cou à la constitution. Il faut le répéter pour que nos us et coutumes s’appliquent. C’est nous qui devons léguer le pouvoir aux Tchagba. Les Dougbô n’ont pas été consultés par la génération Tchagba. Ça devient un problème entre les générations. C’est ce qu’il faut éviter. Je suis le parrain de la génération Tchagba, nous sommes des frères et sœurs mais ils ne font pas comme il faut. La génération Dougbô dit non au choix des Tchagba. Les enfants et les petits-enfants de Daba sont de ma famille. C’est pourquoi il ne faut pas envenimer la situation. Nous ne pouvons pas accepter tout ça. La libation n’est pas faite alors qu’il est en train d’être désigné », a dénoncé Elie Aké.

Un débat houleux a été vite maîtrisé par M. Kakou, Secrétaire général de préfecture, qui était assisté du deuxième adjoint au maire de Yopougon, Touré Moyabi, au cours de cette réunion.

Quand la parole a été donnée aux Tchagba, leur porte-parole, Doro Pierre, également porte-canne, a vanté les mérites de la personne choisie, soulignant qu’il a aidé le village à obtenir un groupe scolaire, un Centre de santé. Il a aussi parlé du caractère solidaire du chef désigné. « On était 6 candidats dont moi-même. A la suite de plusieurs réunions entre nous, nous avons décidé d’être en conclave, pour sortir un nom. C’est là que nous avons choisi Daba Akré James Luther. Le choix du chef se fait par sa génération elle-même », a-t-il déclaré, assurant que tout s’est fait selon les règles en pays Atchan.

Au sein de la génération Dougbô, les avis étaient partagés. Cependant, la génération Blésouhé a exprimé son soutien aux Tchagba, pour leur choix. Ainsi que l’association des femmes du village.

Au regard de cette situation, l’autorité préfectorale, qui représentait le préfet du département d’Abidjan, a autorisé la désignation du nouveau chef de Yopougon Santé. Cela, malgré le mécontentement des trois doyens d’âge, du chef sortant et de membres de la génération Dougbô. Les villageois, eux, ont fortement acclamé ce choix qui semblait être celui des jeunes.

« Nous sommes au terme d’un processus qui a longtemps duré », a-t-il indiqué, prodiguant des conseils aux différentes parties. Il a rappelé toutes les étapes des négociations depuis 2017, avant de se réjouir du dénouement de cette affaire.

C’est dans la joie que les jeunes ont porté le nouveau chef. Dans l’assistance, des voix se sont élevées pour relever des relents politiques à cette désignation.

GRO et HK

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