Crise des datas/JB KOFFI (COC-CI) rompt le silence: «L’ARTCI ne peut pas continuer de fonctionner en violation flagrante des principes des Nations Unies»
Depuis l’éclatement de ce qu’il convient d’appeler la crise des DATAS, la Confédération des Organisations de Consommateurs de Côte d’Ivoire (COC-CI) est restée bien silencieuse, laissant croire à tort ou à raison l’existence de relations incestueuses entre la COC-CI, le gouvernement et les opérateurs de téléphonie mobiles. Dans cet entretien, Jean-Baptiste KOFFI, le premier responsable des Organisations de Consommateurs de Côte d’Ivoire sort de sa réserve et dit sa part de vérité.
Monsieur le Président, la toile était en en feu récemment et on n’a pas entendu le président de la COC-CI sur la crise des datas. Que cache ce silence ?
Vous savez le silence est aussi une forme de communication. Je ne cache rien. Bien au contraire, j’ai suivi et continue de suivre avec beaucoup de plaisir cette levée de bouclier sur la toile.
Je suis heureux et avec moi la COC-CI d’entendre de plus en plus parler du recours au boycott comme nouvelle mesure de lutte pour la défense des intérêts du consommateur. Telle est notre ligne directrice depuis des décennies, elle n’a pas varié face à ceux qui nous opposent la descente dans les rues. Si tout le monde est unanime avec nous aujourd’hui qu’il existe une alternative efficace à la rue, nous disons gloire à DIEU. La COC-CI a vu juste.
Autre motif de satisfaction de la COC-CI et non des moindres, la détermination de nouvelles personnalités à s’engager dans le mouvement consumériste. C’est une excellente chose que nous accueillons avec joie. La COC-CI qui est fondamentalement opposée à tout ce qui est monopole encourage ces personnalités à porter leur projet à maturité afin de contribuer durablement à la construction d’un mouvement consommateur fort dans notre pays.
En revanche, la fausse note dans cette histoire est venue de la volonté manifeste de certaines personnes à travers la presse ou les réseaux sociaux de dénigrer sans preuves les organisations de consommateurs déjà présentes et actives sur le terrain en mettant en doute leur indépendance et leur capacité à accomplir leur mission. Cette façon d’agir est de la pure méchanceté gratuite non productive et n’honore pas leurs auteurs. Le consumérisme chez nous étant une question de bénévolat, la COC-CI met au défi toutes les personnes qui pensent et agissent ainsi de s’engager dans le consumérisme et mieux faire que les organisations membres de la COC-CI. Les consommateurs ont besoins de solutions aux problèmes qui les assaillent et rien d’autres.
Sachons raison garder et ne nous trompons pas de combat.
Monsieur le Président, toutefois, on vous taxe de rouler pour le gouvernement et les grands groupes internationaux. Il se dit même que vous êtes pris au piège des relations que vous entretenez avec ces derniers au point de sacrifier les intérêts des consommateurs que vous êtes sensé défendre. Quels commentaires faites-vous de ces allégations ?
Ce sont des allégations qui n’ont aucun fondement. Rien que du buzz pour distraire et éloigner les consommateurs de l’essentiel. Il faut savoir que la défense des intérêts des consommateurs ne se fait pas sur les réseaux sociaux ou à travers les médias. A la COC-CI, notre méthode de travail consiste toujours à chercher et/ou demander à rencontrer les autorités détentrices de pouvoir de décisions pour échanger et trouver des solutions aux problèmes qui se posent aux consommateurs. C’est parfois faute d’interlocuteur ou de réaction que nous nous déportons sur les réseaux sociaux ou dans les médias pour faire bouger les lignes. La règle, c’est donc le dialogue et l’exception ce sont les media et réseaux sociaux. Que cela soit claire et noté une fois pour de bon par tous. Sinon nous n’entretenons aucune relation incestueuse avec le gouvernement et encore moins les grands groupes internationaux comme je l’ai lu quelque part.
Cependant, Monsieur le Président, pour mettre le pied dans le plat, le Ministre porte-parole du gouvernement a indiqué récemment que les organisations de consommateurs ont pris part au processus de révision de la décision N 2020-0599 de l’ARTCI portant encadrement des offres de service sur le marché de détail de la téléphonie mobile. Cette annonce a surpris plus d’un. Le porte-parole du gouvernement a-t-il dit la vérité ? Confirmez-vous les propos du ministre ?
Je confirme les propos du Ministre porte-parole du gouvernement. Ce n’est pas un secret que le Ministre a dévoilé.
Au nom du droit d’être entendu, nous avons toujours exigé de nos plus hautes autorités la présence des représentants des consommateurs dans les instances où se prennent les décisions touchant la vie du consommateur. Cette exigence a été satisfaite à minima à l’ARTCI en intégrant toutes les associations de consommateurs et certaines organisations de la société civile dans un Cadre Permanent d’Echange (CPE). Le fonctionnement de ce cadre ne nous donne pas entière satisfaction mais nous y siégeons. Et dans le cadre de ce que l’ARTCI appelle une régulation collaborative, nous avons pris effectivement part aux travaux du CPE en décembre 2022 portant entre autres points sur la révision de la décision de l’ARTCI portant encadrement des offres de service sur le marché de détail de la téléphonie mobile.
Mais est -ce à dire que vous avez cautionné l’augmentation des prix des data ?
Absolument pas. Croyez-moi aucune organisation de consommateur sérieuse ne peut valider et cautionner une augmentation tarifaire qui ne se justifie pas.
Je vous parlais tantôt d’une collaboration à minima avec l’ARTCI au sein du cadre permanent d’échange. Eh bien après cette étape essentiellement faite de recueil d’avis et observations au niveau de la Direction Générale de l’ARTCI, les décisions sont prises à un niveau supérieur, c’est-à-dire au niveau du Conseil de Régulation de l’ARTCI. A ce niveau vous n’avez plus de représentants des consommateurs et cela donne des décisions qui ne prennent pas toujours en compte les intérêts des consommateurs. La levée de bouclier sur la toile en est la parfaite illustration.
Nous profitons encore de cette situation de crise pour interpeller encore une fois nos plus hautes autorités sur la nécessité d’ouvrir le Conseil de Régulation de l’ARTCI aux organisations de consommateurs. Ce n’est pas une faveur que nous demandons mais c’est une exigence des principes directeurs des Nations Unies pour la protection des consommateurs. L’ARTCI ne peut pas continuer de fonctionner en violation flagrante de ces principes.
Monsieur Jean-Baptiste KOFFI, comment en est-on arrivé à cette crise du prix de la data ? Cette situation était-elle inévitable ?
De notre point de vue, cette crise couvait depuis bien longtemps. Le fonctionnement du secteur traine trop de frustrations qui pouvaient exploser à tout moment. La question du prix de la Data n’a servi que de déclencheur.
Tout a commencé en 2020, où l’ARTCI faisant une analyse approfondie du marché de détail de la téléphonie mobile est parvenue à un certain nombre de conclusion et a pris certaines décisions au nombre desquelles :
– la limitation ou encadrement des offres promotionnelles (Bonus) ;
– la conservation des avantages liées aux offres commerciales qui sont même ré-activables et cumulables au renouvellement de l’acte commercial ;
– la fixation d’un tarif plancher du service Data à 1 Fcfa par Mégaoctet, etc.
Pour accepter la mesure d’encadrement des offres promotionnelles, l’ARTCI a pu convaincre les consommateurs de ce que la course aux X% de BONUS cachait le vrai prix des offres. Le régulateur n’avait pas tort car en réalité il y avait de quoi à s’interroger sur le vrai prix d’un bien pour lequel à chaque achat nous recevions des Bonus allant jusqu’à 700%.
Les consommateurs ont donc accepté la limitation des bonus à 100% avec l’espoir de jouir du bénéfice de la conservation des avantages liées aux offres et la possibilité de réactiver et cumuler les avantages de ces offres.
A l’épreuve du terrain, l’ARTCI n’a jamais pu contraindre les opérateurs à tenir les engagements pris en faveur des usagers.
Pire, le prix plancher de 1 Fcfa le Mégaoctet fixé par l’ARTCI en 2020 est passé à 0.8 f cfa le Megaoctet en 2023 avec un caractère plus contraignant. Ce plancher sera observé par I’ARTCI sur chacune des offres de service data soumise à I’ARTCI avant sa mise sur le marché.
La raison officielle avancée est que les opérateurs vendraient toujours les Megaoctets en dessous du prix plancher, ce qui serait une entrave à la loi sur le commerce. Il est interdit de vendre à perte en matière commerciale, sauf en période de solde.
En d’autres termes l’ARTCI demande aux opérateurs d’augmenter leur prix de vente des Megaoctets aux consommateurs. Il s’agit d’un vrai passage en force qui ne se justifie guère dans la mesure où l’ARTCI même dans sa décision N° 2023-0834 du 12 janvier 2023 à la page 4 que dit ceci : ‘‘ … le prix moyen constaté du Megaoctet (MO) a connu une baisse de 11.35% passant de 0.563 Fcfa /MO à 0.499 f cfa/MO, entre le 1er semestre 2021 et le 1er semestre 2022. Toutefois, cette baisse a été contenue, à la suite notamment de la mesure de limitation des avantages à 100%’’. En d’autres termes ce sont les consommateurs qui ont supporté la baisse du prix du MO en acceptant la mesure de régulation des Bonus.
Mieux, dans cette même décision disponible sur son site internet, l’ARTCI écrit ‘‘ Que de plus, la profitabilité des opérateurs de téléphonie mobile sur le service data sur la même période, est en constante amélioration pour chacun d’eux (en raison notamment du fort accroissement des usages), avec une croissance des marges dégagées sur ledit service entre 2020 et 2021 de 95%, 39% et 6.4% respectivement pour ORANGE CI, MTN et MOOV AFRICA CI.’’
Quand on finit de lire tout cela, qu’est ce qui peut raisonnablement justifier une augmentation du prix de la data de plus de 60% ? Car en réalité il ne s’agit pas de passer le prix du MO de 1 Fcfa à 0,8 Fcfa, mais plutôt de passer ce prix de la moyenne de 0.499 Fcfa à 0.8 Fcfa.
Aucun consommateur ne peut cautionner une telle mesure. La crise est donc entièrement justifiée.
Maintenant que l’ARTCI a demandé aux opérateurs de revenir à leurs anciens tarifs et que ces derniers se sont tous exécutés, que va-t-il se passer ?
La décision de l’ARTCI comporte 15 articles. La question du prix plancher du service data ne concerne que l’article 8. Que deviennent les autres articles ? Ou même que devient la décision elle-même ? Est-elle partiellement reportée ou intégralement annulée ? Nous avons besoin d’être situés pour voir la conduite à tenir. Pour l’instant c’est le silence total. Toujours est-il que les mises en demeurent adressées justement aux opérateurs pour appliquer ladite décision sont toujours disponibles sur le site internet de l’ARTCI. Nous sommes donc obligés de faire appliquer les dispositions de cette décision jusqu’à preuve du contraire.
Monsieur JB KOFFI, pour terminer, les autres dispositions contenues dans cette décision vous conviennent-elles ?
Honnêtement, il y a beaucoup à redire. Nous avons de nombreuses attentes non satisfaites. Nous allons nous fonder d’abord sur l’article 13 de cette décision pour obtenir les révisions nécessaires. Cet article dispose que l’ARTCI se réserve le droit de procéder à la révision de sa décision, en cas de modification de l’environnement technique, économique et règlementaire ou de dysfonctionnements concurrentiels constatés sur le marché de la téléphonie mobile. Faute d’obtenir les changements nécessaires avec le régulateur, nous n’aurons d’autres choix que d’aller au corps-à-corps avec les compagnies elles-mêmes. La loi nous l’autorise.
Entretien réalisé par Gilles Richard OMAEL
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