Crise dans le Royaume Baoulé: «Un ballon d’essai qui mettra en péril l’existence et les fondements traditionnels et culturels de nos peuples», selon un journaliste originaire de Sakassou
Ce qui se passe actuellement dans le royaume Baoulé n’est rien d’autre que l’intrusion de la politique politicienne dans ce qui caractérise le fondement de nos sociétés culturelles.
Pourquoi la prise de pouvoir de Nanan Kouakou Anoungblé III, en qualité de 12ème Roi du Walèbo n’a suscité aucune passion et aucune contestation ? La réponse est toute simple. Cette succession s’est faite dans les règles de l’art, en application stricte des us et coutumes qui définissent le mode et les conditions de désignation du souverain en pays Baoulé. Si tant est que le règne du 12ème Roi, en la personne de Nanan Kouakou Anoungblé III, décédé en 2002 et inhumé en mars 2016 a fait l’unanimité de tout le pays baoulé, sa succession, en principe ne devrait faire l’objet d’aucune crise.
En effet, le peuple baoulé est dans son essence matrilinéaire. Ce qui suppose que c’est le neveu qui hérite de l’oncle. Procédure que feu le Pr Paul Akoto Yao, alors président de l’Association des cadres et ressortissants de Sakassou a expliqué, le 8 avril 2019 avant son départ pour le royaume céleste, le 16 janvier 2023.
Selon lui, « Le Royaume est régi par des règles qui se reposent sur le droit coutumier. Au siège du Royaume Baoulé à Sakassou, voire dans le peuple Baoulé, il y a beaucoup de sachants des us et coutumes. Parmi ces gardiens de la tradition, de même que nombreux sont morts de même il y a encore heureusement beaucoup de vivants. En pays Akan, l’histoire d’un royaume comme celui des Baoulé ne s’explique pas sur la place publique. L’explication dans de telle situation est précédée de rituels assortis de l’autorisation de la Cour Royale. C’est ce qui justifie jusque-là, le silence des sachants et des cadres de Sakassou au moment où on entend des sons de cloche venant d’horizons divers. C’est donc avec cette autorisation que nous pouvons nous adresser à vous maintenant.Pour éclairer la lanterne de tout un chacun, nous nous permettrons de faire des précisions sur ce qui se passe dans le Royaume Baoulé. Parler de crise nous semble incompréhensible; puisque nous ne savons pas de quoi parlent exactement « ceux-là » surtout, lorsqu’on se réfère au cadre organique régissant les royaumes des Akans comme celui des Baoulés. Dans tous ces royaumes, il a toujours existé deux (2) Chaises :
1-La Chaise Royale (Yassoua Bia), la Première Chaise en termes d’importance, sur laquelle on installe les Rois ; et sur cette chaise ne s’assoit jamais une femme. On n’installe jamais une femme sur cette chaise-là. C’est la chaise de commandement. L’occupant étant perçu comme un chef guerrier (Le Roi). Il est l’autorité suprême du royaume. Il est le gardien des Us et Coutumes. C’est lui qui incarne le peuple de son royaume. Il détient le pouvoir. Il dispose de l’armée du royaume.A ce titre, il a l’obligation de défendre son territoire aussi bien que son peuple. Il dispose de tous les pouvoirs discrétionnaires pouvant garantir la sécurité, et de son territoire et de son effectif gouverné (le peuple).
2- La seconde chaise, qui est la chaise de la Reine Mère (Bla Bia), est celle réservée aux femmes. C’est sur cette chaise que s’assoit la Reine Mère. Celle qui occupe cette chaise est la Reine Mère. Le rôle de la Reine Mère au sein du Royaume est symbolique. On dit généralement qu’elle a le pouvoir parce que c’est de la femme que provient la légitimité des occupants de la Chaise Royale en application du principe matrilinéaire. Cette Reine Mère a pour premier rôle, la protection du Roi. Comme deuxième rôle, elle est la première conseillère du Roi. Pour cette raison, le Roi la consulte régulièrement.
Son troisième rôle consiste à ordonner et à contrôler toutes les cérémonies de rituels à la Cour Royale. Enfin, son quatrième et dernier rôle consiste à présider la réunion des femmes âgées de la Cour Royale au cours de l’examen de l’arbre généalogique des prétendants au trône. Elle ne commande pas. »
Partant de ce principe, pourquoi, la sœur du défunt Roi Nanan Anounglé III, Monique Tanou N’gattadont un des fils, remplissant toutes les conditions, devrait succéder à son oncle, a-t-elle occupé le siège de Reine avec pour nom de règne Akwa Boni 2 ?
Face hideuse de la politique politicienne
Ceci est sans aucun doute, le résultat de l’intrusion de la politique politicienne. En effet, des hauts cadres Baoulé en manque de légitimité auprès de leur peuple, n’ont trouvé d’autres astuces que d’utiliser cette puissante arme culturelle pour plaire à leur mandant, lui faisant croire qu’ils ont tout le grand centre à leur cheville.Malheureusement pour le peuple Baoulé, ces filles et fils, certains pour des questions de positionnement politique, d’autres pour ne pas subir de tracasseries, n’ont pas eu le courage de dénoncer cette imposture et de rétablir la vérité, c’est-à-dire le mode de succession, selon lequel c’est le neveu du défunt Roi qui devient le successeur légitime sur le trône (YassouaBia), et la mère, par ailleurs, sœur du défunt souverain, Reine mère sur la seconde chaise (Bla Bia).
Silence coupable des cadres et élus Baoulé
Avec le décès, le lundi 13 mai 2024 de sa majesté Nanan Akwa Boni 2, alors que le peuple Baoulé dans son ensemble croyait derrière lui cet épisode peu reluisant de son histoire, avec l’intronisation du prince Nanan Ôtimi Kassi Anvo, fils de Akwa Boni 2 et neveu de Anoungblé III, voilà qu’une autre crise de succession refait surface avec un autre acteur, le prince Nanan Kouadio Maxime. Dès cet instant, les intellectuels du peuple Baoulé auraient dû prendre les devants pour aplanir les divergences afin que le royaume ne soit, une fois encore, secoué par une crise de succession.
Que non ! Chacun est resté campé dans sa chapelle politique comme c’est le cas avec la chefferie dans le canton Akouè, où le PDCI-RDA à son chef de canton et le RHDP, le sien.
Malheureusement, c’est dans cette même situation que se trouve aujourd’hui le trône Baoulé avec deux camps.Les partisans du prince Nanan ÔtimiKassiAnvo et ceux du prince Nanan Kouadio Maxime. Une situation qu’on aurait pu éviter, si les cadres et élus Baoulés privilégiaient leur appartenance au pays Baoulé avant leur obédience politique.
Ballon d’essai
Il ne faut pas si méprendre. La politique politicienne vient de lancer un ballon d’essai qui, si elle réussit, mettra en péril l’existence et le fondement traditionnels et culturels de nos peuples.En effet, si cette forfaiture marche avec le Royaume Baoulé, pourquoi ne marcherait-elle pas avec les Royaumes Bron, Indénian ou encore de Mossou, Krindjabo surtout dans un pays où les royaumes se créent à tout bout de champ sans que cela n’émeuve personne ? (Suivez mon regard).
Tous, nous avons vu comment l’abandon des alliances inter-ethniques, véritables pactes de non-agression signés entre les ancêtres de différents peuples de la Côte d’Ivoire a défiguré notre chère patrie.Ces alliances à plaisanterie qui mettent un accent particulier sur les plaisanteries et permettent de maintenir la paix et la cohésion sociale, sont, tout comme nos us et coutumes, nos vraies valeurs africaines sur lesquelles nous devons fonder une nation forte et solide dans la fraternité.
C’est pourquoi, la situation dans le Royaume Baoulé doit interpeller et être résolue dans la pure tradition africaine, en vertu des règles édictées depuis des lustres par nos ancêtres et non par des politiciens avides de pouvoir.C’est donc à juste titre que le Pr Paul Akoto Yao interpellait ses frères et sœurs du Royaume en ces termes :« Que ceux qui ne connaissent pas nos Us et Coutumes arrêtent de créer sur fond de mensonges, consciemment ou inconsciemment, dans les journaux et réseaux sociaux, une situation qui n’existe pas. Il faut arrêter de jouer avec le Trône. Cela peut vous être préjudiciable tôt ou tard.Nous demandons donc à tous nos frères Baoulés, de quelque région qu’ils proviennent, de continuer d’être Baoulé et fier, et de continuer d’être solidaire autour de leur plus grand symbole, le garant de leur système de valeurs, leur Roi Baoulé. »
Une contribution de TRETA Zoumana
Journaliste et fils de Kangré, canton N’Gbèdjo (Sous-préfecture de Sakassou).
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